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La Terre du Rendez-vous

Mois De Moharram

La poursuite de la marche d’al-Hussein ne durera pas longtemps...


La poursuite de la marche d'al-Hussein ne durera pas longtemps. En effet l'armée omayyade l'intercepta bientôt et l'obligea de s'arrêter. Al-Hussein contempla l'endroit où sa troupe s'était immobilisée et demanda:

«Comment s'appelle cette terre?

- La terre de Taf, lui répondit-on.

- N'a-t-elle pas d'autre nom?, insista-t-il.

- Si, elle s'appelle Karbalâ', lui dit-on encore.

Cette réponse semble être ce qu'il prévoyait justement. Il s'adressa à son Créateur et fit:

«Ô mon Dieu! Je me protège auprès de Toi du KARB (affliction) et du BALÂ' (malheur)».

Et ajoute: «C'est un lieu d'affliction et de malheur. Descendez de vos montures. C'est ici le terme de notre voyage, le lieu de l'effusion de notre sang et la place de nos tombeaux. C'est ce que m'a dit mon grand-père, le Messager de Dieu».

C'était un jeudi. Le 2 Muharram de l'an 61 hégirien, (122) jour de l'arrivée d'al-Hussein à Karbalâ', terre qui restera pour toujours le symbole du martyre.

Alors qu'al-Hussein était désormais fixé sur ce qui l'attendait et se préparait à assumer jusqu'au bout la responsabilité qui lui incombait, les armées de 'Obeidullah s'affairaient à resserrer l'étau autour de lui.

'Obeidullan Ibn Ziyâd savait que livrer une bataille au petit-fils du Prophète n'était pas une tâche aisée pour un Musulman, et qu'il ne suffisait pas de mobiliser une armée colossale pour venir à bout du mouvement d'al-Hussein. Aussi cherchait-il un homme ambitieux et sans scrupules pour lui confier le commandement de l'armée qui devrait vaincre al-Hussein et ses hommes.

Son choix s'arrêta sur 'Omar Ibn Sa'ad, lequel refusa tout d'abord cette mission. Mais après la menace de 'Obeidullah de lui retirer la promesse de le nommer gouverneur de Ray, il passa une nuit terrible, tiraillé entre son amour pour le pouvoir, et le souci de ne pas tremper dans un crime aussi abject qu'assassiner purement et simplement, celui qui n'hésitait pas à sacrifier sa vie pour la sauvegarde de l'Islam, et ce malgré sa haute position sociale auprès de tous les Musulmans.

Il finit par céder non sans tourments, aux pressions de sa prédilection pour le pouvoir, puisqu'on l'entendit réciter les vers suivants alors qu'il s'apprêtait à annoncer sa décision favorable à la tâche dont l'avait chargé 'Obeîdullah:

«Abandonnerais-je Ray, alors que Ray est mon désir? Ou bien, reviendrais-je honni pour avoir assassiné al-Hussein? En le tuant, je subirais l'enfer, contre lequel il n'y a aucune protection. Mais d'un autre côté, Ray est la prunelle de mon oeil».

Il commanda alors une armée forte de 4.000 hommes et se dirigea vers Naynawâ où se situait son Quartier Général, tout près d'al-Hussein.

Lorsqu'il avança vers le camp d'al-Hussein et l'encercla, ce dernier engagea des pourparlers avec lui. A la suite de plusieurs entrevues, 'Omar Ibn Sa'ad écrivit à 'Obeidullah Ibn Ziyâd pour lui faire parvenir une proposition à laquelle al-Hussein avait souscrit et au terme de laquelle celui-ci accepterait de partir pour éviter une effusion de sang, si l'on levait le siège autour de son campement.

Quand 'Obeidullah Ibn Ziyâd reçut la lettre du commandant de son armée, l'idée qu'elle renfermait ne lui déplut pas et il était sur le point d'ordonner son exécution lorsque al-Chemr Dul Jawchan qui vouait une haine noire envers al-Hussein vint l'en décourager en lui faisant valoir que si le petit-fils du Messager parvenait à échapper au siège, il serait en position de force; et que par conséquent il valait mieux l'acculer dès à présent à se soumettre et à prêter serment d'allégeance.

'Obeldullah Ibn Ziyâd finit par accepter le conseil d'al-Chemr, à qui il confia une lettre en lui ordonnant de l'apporter à 'Omar Ibn Sa'ad:

«Je ne t'ai pas envoyé vers al-Hussein pour que tu le laisses en paix ou que tu lui souhaites la bonne santé et le bon séjour, ni pour que tu lui trouves des excuses, ou que tu intercèdes pour lui auprès de moi. Si al-Hussein et ses hommes acceptent mon jugement et se soumettent, envoie-les-moi sains et saufs; et s'ils refusent, marche sur eux jusqu'à ce que tu les tues et que tu profanes leurs cadavres pour l'exemple, car ils l'auront mérité. Lorsque al-Hussein sera tué, laisse les chevaux piétiner sa poitrine et son dos... Je ne pense pas que cela puisse faire mal après la mort... Si tu le tuais et le profanais de la sorte, tu auras obéi à nos ordres, et nous t'en récompenserons en tant qu'un homme docile et obéissant; mais si tu refusais, démets-toi de tes fonctions et du commandement de nos soldats, et fais-toi remplacer par al-Jawchan, à qui nous avons donné des instructions (dans ce sens)...».(124)

'Omar Ibn Sa'ad reçut le messager du gouverneur de Kûfa et ouvrit le message qu'il lui apporta. En le lisant, il se vit une fois de plus confronté à un dilemme terrible entre l'exécution d'un crime impardonnable que l'humanité ne saurait oublier, et sa folie pour le pouvoir qu'il avait tant attendu. Une fois de plus, il ne put résister à la tentation du pouvoir, si encouragé et si sollicité sous le règne des Omayyades.

Ainsi, le 7 Muharram, il ordonna à ses armées de faire mouvement vers le fleuve de l'Euphrate afin d'empêcher la famille du Prophète d'avoir accès à l'eau, et de l'acculer ainsi à mourir de soif ou à se rendre.

Le jeudi 8 Muharram, les armées omayyades commencèrent à resserrer l'étau autour du campement d'al-Hussein et à se rapprocher de ses tentes en se montrant de plus en plus agressives et menaçantes, les sabres et les lances prêts à l'usage. Aux mêmes moments, al-Hussein était assis contemplatif devant sa tente, regardant l'étendue du désert d'al-Taf, ses yeux se promenant lentement sur les horizons lointains, et sa pensée plongée dans la perspective de la bataille imminente qui opposerait dans une scène historique et universelle le Bon droit au Faux.

Plongé dans ses contemplations, al-Hussein ne s'était pas rendu compte de l'approche des soldats omayyades. C'est sa soeur, Zaynab qui vint l'en informer:

«N'entends-tu pas ces voix qui s'approchent?»

A peine Zaynab l'eut-elle quitté, ce fut au tour d'al-'Abbas Ibn 'Ali, son frère, de venir l'alerter:

«Mais mon frère...! L'armée ennemie vient vers toi...!»

Al-Hussein se leva. Il décida tout d'abord de jauger la situation et de sonder les intentions réelles des assaillants. Aussi demanda-t-il à son frère al-'Abbas de leur parler, de discuter avec eux pour savoir de quoi ils étaient capables et jusqu'où ils pouvaient aller dans leur guerre contre les descendants du Prophète.

Al-'Abbas ne tarda pas à constater l'arrogance et le cynisme d'une armée de mercenaires, trop assoiffés de pouvoir et trop attachés aux dépouilles et à l'argent qu'on leur avait promis, pour être sensibles à une cause sublime qui ne semblait guère leur procurer ce qui correspondait à leur motivations matérialistes.

Leur réponse fut sans appel:

«Qu'al-Hussein obéisse à l'ordre de l'Emir (le Gouverneur de Kûfa). Autrement, nous le combattrons».

Devant cette réponse, al-Hussein comprit que l'heure de la confrontation était imminente et qu'aucune solution ne pouvait être envisagée. Il savait qu il ne pouvait jamais revenir sur sa parole: «Quelqu'un comme moi, ne saurait prêter serment d'allégeance à quelqu'un comme lui (Yazid)».

Il ne s'était jamais senti aussi proche de sa devise: «Je ne vois la mort que comme un bonheur, et la vie avec les injustes que comme une source d'ennui ». Les mots du discours qu'il avait adressé quelques jours avant, dans la région d'al-Baydha, à l'intention des armées omayyades pour leur expliquer le caractère religieusement obligatoire de sa bataille, retentissaient encore à ses oreilles:

«Ô gens! Le Messager de Dieu a dit: "Celui qui voit un sultan injuste qui rend légal ce que Dieu a interdit, qui transgresse le pacte qu'il a conclu devant Dieu, qui dévie la Sunna du Messager de Dieu, qui agresse les Musulmans et commet des péchés contre eux, sans qu'il s'oppose à lui (à ce sultan) ni par une parole ni par une action, Dieu lui réservera obligatoirement le même traitement qu'IL réserve à ce sultan».

Or al-Hussein ne cessait d'être conforté dans sa conviction que Yazid incarnait par excellence ce «sultan injuste» que tout Musulman avait le devoir et l'obligation (prescrit par le Prophète) de combattre.

Sa décision définitive d'affronter la mort étant prise, al-Hussein avait besoin de quelques heures de calme avant d'aller au rendez-vous de l'heure fatale. Aussi, envoya-t-il al-'Abbas vers Ibn Sa'ad et ses États-Majors, pour leur demander un délai de réflexion d'une nuit, et leur promettre une réponse définitive le lendemain (le dix Muharram).

Après consultation, Ibn Sa'ad et ses lieutenants accédèrent à la demande d'al-Hussein


*source: bostani.com

 

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