Le cachot était plongé dans l'obscurité. Pourtant au dehors, brillait un soleil
éblouissant. L'Imam Ali Zayn Abidine priait, le front posé sur le sol. Les
autres survivants de la Famille du Prophète aussi priaient, dans les ténèbres de
la prison. Zaynab priait assise, tant ses forces avaient décliné. La nourriture
était si mesurée qu'elle laissait sa maigre part aux enfants, se contentant pour
elle-même d'un peu d'eau. Elle était trop faible maintenant pour tenir debout.
Les heures passaient. Les prisonniers priaient toujours. Ils n'interrompaient
leurs actes de dévotion que pour pleurer amèrement au souvenir des êtres chers
qu'ils avaient perdus à Karbala.
Dehors la nuit avait succédé au jour, mais
qu'est-ce que cela changeait dans la nuit du cachot ?
Un cri et des pleurs redoublés attirèrent Zaynab près de Soukeina.
- Ma tante! Dans mon rêve j'ai vu mon père! Je ne l'avais pas vu depuis qu'il
m'a quitté, ce jour horrible... Alors je lui ai tout raconté. Tout ce que nous
avons enduré jusqu'à aujourd'hui. Il m'a dit : "Soukeina, tes souffrances ont
assez duré! Soukeina, ma fille chérie, je suis venu te chercher!"
Soukeina éclata en sanglots. Alors toutes les femmes, et les enfants aussi se
mirent à sangloter. Yazid, qui passait à ce moment-là près d'un soupirail de la
prison, demanda ce qui se passait. Des gardes lui dirent que Soukeina, la fille
de l'Imam al-Hussein voulait voir le visage de son père. Yazid donna des ordres.
Des gardes entrèrent bientôt dans le cachot. L'un d'eux portait un plateau
d'argent recouvert d'une étoffe de soie. Le garde déposa le plateau devant
Soukeina. Il retira l'étoffe. La torche qu'il brandissait éclaira la tête de
l'Imam al-Hussein.
Soukeina s'empara de la tête de son père. Elle la serra contre elle,
l'embrassant comme elle l'avait embrassée des milliers de fois quand il était
vivant. Au bout d'un moment ses sanglots se calmèrent.
Zaynab s'approcha de Soukeina qui était immobile, recroquevillée autour de la
relique de l'Imam.
- Soukeina ma fille, ne reste pas ainsi courbée sur la tête de ton père.
Soukeina ne répondait pas. Zaynab voulut secouer doucement l'épaule de l'enfant.
Mais Soukeina avait cessé de vivre. Son père tant aimé avait tenu la promesse
qu'il lui avait faite en rêve. Maintenant elle était avec lui, au Paradis.