Avant l'arrivée à Koufa
d'Obeidoullah, le Gouverneur nommé par Yazid, et de ses troupes, Mouslim avait
écrit à l'Imam al-Hussein pour l'informer de l'avancement de la mission dont
celui-ci l'avait chargé. Les habitants de Koufa, et ceux d'autres villes d'Iraq,
avaient envoyé lettres et délégations à l'Imam al-Hussein:
- Nous t'attendons, ô fils de l'Envoyé de Dieu ! Nous ne voulons pas d'autre
Calife que toi ! Viens, mets-toi à la tête de nos armées. Viens ! Ne nous
abandonne pas !
Mais il fallait être prudent. Les gens de l'Iraq avaient déjà trahi et l'Imam
Ali et l'Imam al-Hassan. Mouslim devait apprécier le degré de sincérité de ces
messages, et organiser la venue à Koufa de l'Imam. La situation lui avait paru
propice à un soulèvement, et il en avait informé son cousin, l'Imam al-Hussein.
Quand il avait reçu la lettre de Mouslim, l'Imam al-Hussein avait décidé de
partir sans plus attendre. Il avait toute confiance en son cousin. IL craignait
d'autre part que Yazid fils de Moawiyah, le Calife omayyade, ne le fasse
assassiner à La Mecque. Et il ne voulait pas que la Ville Sainte, où il est
interdit de tuer même un insecte, soit profanée par son propre sang.
Il avait donc quitté l'enceinte sacrée le 8 du mois de Thul-Hijja de l'an 60 de
l'hégire, la veille du Jour d'Arafat. A quelqu'un qui s'étonnait qu'il n'attende
pas la fin du Pèlerinage, il avait répondu qu'il allait s'offrir lui-même en
Sacrifice, en Iraq.
En chemin, il rencontra des pèlerins qui lui donnèrent quelques informations :
- Les cœurs des gens sont avec toi, mais leurs épées sont plutôt du côté des
Omayyades... Après tout, c'est au Ciel que se décide le destin, et Dieu fait ce
qu'IL veut !
A mesure qu'il avançait vers l'Iraq, le cortège qui accompagnait l'Imam
al-Hussein grossissait. Un messager fut envoyé à Koufa. Capturé, il lui fut
ordonné, en échange de la vie sauve, de monter en chaire à la Mosquée et d'y
injurier le petit-fils du Prophète.
Mais au lieu de cela, le
courageux compagnon de l'Imam appela les gens à se soulever contre Obeidoullah
et son maître Yazid. Il fut jeté vivant du haut des murs du palais. Un second
messager de l'Imam al-Hussein subit le même sort. Des nouvelles sur la réalité
de la situation parvinrent enfin à l'Imam al-Hussein. IL ordonna de faire halte,
et s'adressa à ceux qui l'accompagnaient :
- Nos Partisans nous ont abandonnés. Que ceux qui veulent s'en aller s'en
retournent chez eux. Ils n'ont pas d'obligation envers nous.
Tous ceux qui avaient rejoint le cortège en cours de route se dispersèrent.
Seuls restèrent avec l'Imam al-Hussein les proches et les Chiites qui
l'accompagnaient depuis La Mecque, ainsi que les femmes et les enfants de la
Famille du Prophète.
L'Imam al-Hussein et ses compagnons reprirent leur marche. Ils furent bientôt
interceptés par un premier détachement de l'armée de Yazid, et contraints de
changer de route. Le 2 du mois de Mohamam de l'an 61 de l'hégire, ils se
heurtèrent à un autre corps d'armée fort de quatre mille hommes. Ils furent
obligés de s'arrêter.
- Comment s'appelle cet endroit, demanda l'Imam al-Hussein ?
- Karbala !
- O mon Dieu ! Je cherche Ta
Protection contre l'affliction [Karb] et le malheur [Bala] !
Et il ajouta :
- Descendez de vos montures. Nous sommes arrivés au terme de notre voyage.
C'est ici que nous allons verser notre sang et que nous serons enterrés. C'est
ce que m'a confié mon grand-père, l'Envoyé de Dieu!
Le 7 Moharram, l'armée prit position pour empêcher les compagnons de l'Imam al-Hussein d'accéder à l'Euphrate et les priver ainsi d'eau.
Le 8 Moharram, les hommes de Yazid
se rapprochèrent du campement de l'Imam, et au fil des heures montrèrent de plus
en plus d'agressivité. Ils tenaient leurs épées et leur lances prêtes, comme
s'ils allaient donner l'assaut. Les incidents se multipliaient.
L'Imam al-Hussein envoya son frère Abbas leur demander ce qu'ils voulaient
exactement:
- Qu'al-Hussein se soumette ! Qu'il jure fidélité au Calife, sinon nous le
combattrons !
Le soir du 9 Moharram, l'Imam al-Hussein chargea Abbas de négocier un ultime
délai. L'Imam et ses compagnons pourraient ainsi jouir d'une dernière nuit pour
se préparer au Martyre.