Bien que le phénomène de la vie soit parmi les dons les plus précieux, et que sa perte cause la plus profonde tristesse mêlée de terreur, il ne fait cependant pas de doute que l'homme, prisonnier d'un ordre immuable, vient au monde, entame la vie, demeure quelque temps sur cette terre, pour rencontrer, en fin de compte, le visage hideux et terrifiant de la mort qui met un terme à son existence terrestre.
Notre monde est un monde d'instabilité et d'inconstance. Le cycle de la reproduction humaine n'y connaît pas de répit. Et l'on ne doit pas s'attendre à ce qu'un phénomène échappant à la règle des mutations y puisse voir le jour. Tout ce qui s'y trouve, suit un itinéraire dont le terme final est la mort, qu'il s'agisse d'un être humain ou de toute autre entité parmi les êtres qui emplissent la création.
Quoiqu'il en soit, tout phénomène se mouvant dans un cadre matériel est appelé au dépérissement, et cela par son caractère spécifique même qui le conduit à l'anéantissement, et les horizons répercutent l'éloge funèbre qui célèbre son arrivée à terme.
Il nous semble nécessaire, avant tout de traiter de la question de l'extinction de la vie analytiquement et en détail et d'apporter les réponses aux interrogations qui se posent à ce sujet.
La vie se résume-t-elle dans cette étape terrestre placée entre la naissance et la mort, étape pendant laquelle les enfants qui viennent au monde remplacent ceux qui en partent? Est-il permis d'imaginer qu'au delà de cette existence, à trois dimensions il ne peut y avoir aucune autre vie? Est-on en droit de supposer que la mort vient mettre un terme définitif à notre personnalité et à nos qualités spécifiques?
Ou alors existe-il au delà de la vie d'ici-bas une autre éternelle où l'homme percevra un monde nouveau? Ou si le système organique qui régit l'univers, une fois métamorphosé, prendra-t-il une forme nouvelle en tout sens plus perfectionnée? Y a-t-il enfin un objectif divin sous-jacent aux phénomènes qui surgissent et disparaissent dans ce monde?
Cela vient à dire que la volonté divine a voulu faire de l'homme son élu qui ne sera en fait qu'un voyageur de passage sur cette terre pour la quitter enfin -toujours sur la volonté d'Allah- afin de retrouver un monde nouveau où il vivra éternellement.
Si nous expliquons le phénomène de la mort avec la première réponse, la vie serait à tout point de vue, source de douleur, et génératrice de frayeur, parce que le sentiment du chaos et de l'anéantissement plonge l'homme dans le désarroi, et étiole son activité et nul ne peut nier les conséquences désastreuses qui résulteraient d'une telle situation.
Mais si nous l'envisageons du second point de vue, c'est-à dire du point de vue de l'homme adhérant à une vision surnaturelle ou métaphysique, surplombant ce monde-ci, et persuadé que le mouvement unificateur -qui unifie l'homme et l'univers- ne cessera pas, et que la mort n'est qu'une rupture de la prison étroite du corps, et une évasion de ce corps vers des horizons plus vastes et un monde idéal, auquel aspirent les âmes; si donc nous l'envisageons de ce point de vue, la mort n'équivaudrait plus qu'à un simple changement de vêture et de moule. Par elle, l'homme se débarrasse de ce vêtement terrestre, pour «enfiler» le vêtement de l'intermonde (barzakh), puis de là s'élever à une étape supérieure et s'envoler vers l'infini, où il troquera le vêtement de l'intermonde contre celui de l'éternité.
Par conséquent, le terme de cette vie pour un homme professant ces idées sublimes, n'est qu'un changement porteur de bonne augure, et au cours duquel toute chose récupérera son identité spécifique et se purifiera de tout doute et confusion. Le célebre savant français, le Docteur Alexis Carrel dit:
La réponse de la religion à l'angoisse que subit l'humanité devant le mystère de la mort est beaucoup plus convaincante que la réponse fournie par la science; la religion présente une réponse qui satisfait le coeur humain.
Il est donc naturel que ceux pour qui la mort mar-que un terme à l'ensemble de toutes les dimensions de leur existence, et qui sont persuadés que rien n'existe au-delà de la vie, il est naturel, disions - nous, qu'ils éprouvent une amertume sans égale à l'idée de quitter le monde.
En revanche pour ceux qui sont persuadés que ce monde n'est qu'un jeu comparable à celui des enfants ou des artistes, et que le transfert du monde matériel au monde supérieur n'est que promotion et ascension vers l'infini, les choses se présentent autrement, du tout au tout. En ce sens que, non seulement la mort perd pour eux son visage de terreur et d'effroi, mais qu'ils aspirent aussi, et déploient tous leurs efforts à cette fin, pour se libérer de ce corps terrestre et parvenir à l'« Union» avec le créateur, qu'Il soit exalté:
Une pareille conception de la mort conduit l'homme à se porter volontairement prêt au sacrifice de son âme dans la voie de ses sublimes objectifs et prendre son essor comme un papillon sortant de sa chrysalide.
Tel est le combattant qui sur le champ de bataille, exhalant une forte odeur du sang, préfere la mort violente, sacrifie ses désirs et instincts, pour parvenir à un avenir de gloire et d'élévation, réalisant ainsi ses meilleures aspirations.
Pourquoi fait-il cela? Parce que la vie de l'homme-de son point de vue - présente deux dimensions. L'une matérielle, obéit aux conditions vitales et aux nécessités sociales, l'autre spirituelle et c'est par elle que l'homme s'élève à la réflextion et à la création, développe ses espérances, les concrétise avec enthousiasme et amour, et plie à sa volonté le destin de sa société et même de l'histoire.
L'e caractère terrifiant, saisissant d'angoisse de la mort est aggravé par la faiblesse de la conscience et de la connaissance que l'homme a de ce phénomène. La mort prend alors pour lui, la forme d'un cauchemar terrifiant.
L'Imam Ali al-Hadi (Que la Paix d'Allah soit sur lui) rendit visite à un de ses compagnons tombé malade qui pleurait et exprimait son angoisse devant la mort.
L'Imam lui dit:
«Ô créature d'Allah, tu crains la mort parce que tu ne la connais pas. Vois-tu si tu te salissais, te souillais beaucoup le corps au point d'en être affecté par la douleur et la démangeaison, et que tu saches en même temps qu'un bain serait un remède radical, ne voudrais-tu pas le prendre pour te débarrasser de tout cela?»
Il répondit: «Si, ô descendant de l'Envoyé d'Allah.»
L'Imam dit: «Telle est la mort. Elle est ce bain. C'est la dernière étape pour te purifier de tes péchés, et d'éloigner de toi tes mauvaises actions.
Quand tu auras traversé cette étape, tu te seras libéré de toute tristesse, de tout souci et de toute impureté, et tu arriveras à toute lajoie, à toute la félicité. L'homme y connaîtra la paix intérieure.»
D'autre part, le négateur de la résurrection envisage l'homme sous un seul angle. Il le conçoit comme une entité errante dans le cadre matériel, et s'imagine que tout existant se limite au corps terrestre et aux Brefs instants de cette vie.
Une telle vision conduit à la situation triste que connait le monde contemporain, où l'on considère la vie
de chacun comme un jeu dépendant de nombreux facteurs les uns connus, la plupart incertains et ignorés.
L'homme ouvre ses yeux sur ce monde, l'âme en peine, puis s'y maintient quelques temps, se résignant à subir toutes formes d'injustices et d'avertissement, puis s'en va au devant de la mort qui le jettera dans le néant.
Cette vie est vraiment inconvenante, ingrate. Demeurer dans ce monde devient quelque chose de contraignant.
Quiconque envisage sous cette forme le destin de l'homme aboutira à la même conclusion au sujet de l'existence en tant que tout. L'homme n'est pas le seul à se noyer dans la vanité et l'injustice, tout existant traverse aussi cette voie d'absurde et d'iniquité, tant qu'il ne sera pas englouti par les vagues du néant.
Tout y est privé de l'équité, depuis l'homme qui n'épargne aucun effort pour assurer sa survie,jusqu'aux animaux de proie, aux pluies torrentielles qui submergent les maisons, aux inondations qui détruisent des villes entières, aux tremblements de terre qui font s'écrouler les maisons sur leurs habitants...
Donc, tout cet univers est un phénomène illégitime et un ensemble de choses vaines et injustes.
Cette vision est celle de quiconque a rompu tous ses liens avec l'Existence impérissable et éternelle, qui est la source de tous les existants, de tous les êtres. Nul doute que ce faisant, il a commis une faute grave, qu'il devra payer cher. Pour une telle personne les maladies, les privations, l'impuissance à réaliser ses désirs, et à parvenir aux objectifs et postes convoités, la perte de ces derniers, la crainte de ce que réserve l'avenir toujours incertain, toutes ces choses seront autant de facteurs qui contribueront à la destruction de son esprit, et à sa désintégration.
Le célèbre écrivain français Victor Hugo écrit:
«Si l'homme méditait sur le néant, et se persuadait qu'après cette vie, il n'y aura que néant absolu, la vie n'aurait pour lui plus aucune valeur. Ce qui donne de la saveur et de la douceur à la vie de l'homme, rend son travail agréable et plaisant, confère de la chaleur au coeur, et lui élargit l'horizon, c'est cette chose qui lui parvient par la voie de la révélation et de la religion, c'est-à dire la foi en un monde éternel et en la perennité de l'homme.
Et la foi en ce que toi, l'homme, tu ne périras pas; tu demeureras et tu es plus grand que ce monde qui n'est par rapport à toi qu'une petite demeure passagère. Ce monde est le berceau de ton enfance, ta maturité et ta grandeur ont un autre monde. »
Le sentiment de l'absurde et l'absence de foi en ce qu'il existe au-delà de cette vie une résurrection, un jugement et une rétribution, sont devenus un facteur de peur et de destruction de la personnalité humaine au siècle du progrès, de la science et de la technologie qui se consacre entièrement à développer une seule dimension de l'homme, celle relative à sa vie matérielle devenue son unique objectif, et son aspiration sublime.
Ces réalisations et ces acquis dont on attendait qu'elles le sauvent de maints dangers et erreurs, et le libèrent des chaînes et des jougs, lui ont oté le calme et la sérénité et l'ont jeté dans la tourmente. Notre monde est devenu une scène dans laquelle l'homme évolue avec frénésie dans une seule direction qui est celle de l'acquisition de la force et du confort, qu'il considère comme la source de son bonheur, et l'objectif de ses efforts.
Résultat de cette vue étroite qui considère le monde sans Directeur, et l'homme abandonné à lui-même, libre de faire ce qu'il veut: ce monde est la proie de la peur, de l'angoisse, et du sang, dont l'odeur répand l'horreur partout.
Cet homme est finalement parvenu à un point tel qu'il est devenu étranger à lui-même, et s'est transformé en un être de ressentiment, envieux, nuisible et cupide et nous ignorons jusqu'où il ira dans sa déchéance.
L'émergence des écoles philosophiques modernes est un signe de la prise de conscience de la douleur et du vide idéologique et spirituel qui l'entoure.
Le professeur Carl Gustave Jung, célèbre psychologue dit:
«Les deux tiers des malades qui viennent me voir de tous les coins du monde sont des gens cultivés, ayant réussi leur vie. Mais ils souffrent d'une douleur terrible: l'absence de sens et l'absurdité de la vie. En réalité, la technologie, la sclérose des enseignements, le fanatisme, l'étroitesse de vue, ont frustré l'homme du 20ème siécle de la religion. C'est pour cette raison, qu'il s'est mis à présent en quête de son âme. Il ne trouvera son calme que lorsqu'il redécouvrira la religion: L'irreligion conduit à l'absurde, et la vie y perd son sens réel».
* LARI, Moussaoui, La Résurrection , Édité près:Foundation of Islamic C.P.W. 21, Entezam St, Qum, Iran, Reproduit avec la permission par l'équipe de projet de L'Ahlul Bayt Digital Islamic Library.