L’imam al-Khomeiny est né le 24 septembre 1902 au sein d’une famille religieuse,
dans la ville de Khomein, notamment dans le département Markazi de l’Iran. Son
père, le défunt Ayatollah Seyed Mostapha Moussavi fut l’un des contemporains de
l’Ayatollah Mirzaï Chirazi. Rouhollah, n’avait pas plus de cinq ans lorsque son
père fut assassiné par le régime féodal. Sa mère et sa tante paternelle
assuraient alors son éducation jusqu’à l’âge de 15 ans, où il se retrouva à
nouveau seul suite aux décès de ces deux êtres chers.
Le coup d’état de Reda Pahlawi en mars 1920, appuyé et comploté par les anglais,
mis fin au règne des Qâdjârs. Le nouveau régime remplaça, ironie du sort, le
système féodal sanguinaire par une autre dictature, conduite cette fois par la
dynastie Pahlawi, pareillement corrompue.
Dans ces conditions, les religieux se mirent en quête d’une solution en vue de
la préservation des valeurs nationales, et également pour assurer la pérennité
de la nation iranienne. C’est à cette époque que l’Ayatollah Haéri qui
jusqu’alors dispensait un enseignement dans la ville d’Arak, se rendit à Qom en
réponse à l’invitation du clergé de cette ville. Il fut peu après rejoint par
l’Ayatollah Khomeiny qui dès son arrivée, pris activement part au succès du
centre d’études théologiques récemment fondé. Ce dernier avait auparavant bouclé
son stade préparatoire d’étude, et acquis une base de connaissances religieuses
dans les centres d’études de Khomein et d’Arak. Il ne tarda pas à devenir l’un
des érudits les plus éminents de ce centre théologique, tant en matière de gnose,
et de philosophie, que dans le domaine de la loi islamique (feqh) et des
principes fondamentaux de la religion (ouçoul).
A la suite du décès de l’Ayatollah Haéri, le centre théologique de Qom se
retrouva en difficulté et faillit même cesser ses activités. Les religieux se
concertèrent donc dans l’espoir de parvenir à une solution stable et durable. De
plus, la chute de Réza Khan survint pour favoriser l’émergence d’une autorité
religieuse unique et reconnue par tout le monde. L’Ayatollah Bouroudjerdi,
offrait le profil idéal pour succéder au défunt Ayatollah Haéri ; grâce à lui,
le centre d’études théologiques de Qom put prospérer et élargir le champ de ses
activités. Cette candidature avait en fait été proposée par les élèves de
l’Ayatollah Haéri et tout particulièrement par l’Ayatollah Khomeiny en personne.
Il fit tout son possible pour convaincre l’Ayatollah Bouroudjerdi de s’installer
à Qom, et de prendre la direction de ce centre d’études.
A la mort de ce dernier, un projet de loi fut présenté sous l’égide des
Etats-Unis concernant les assemblées régionales et nationales qui négligeait
l’intérêt national. Celui-ci fut approuvé par le gouvernement de l’époque en
octobre 1962.
Dès la publication de cette information, l’Ayatollah Khomeiny, devenu guide
religieux du peuple, ainsi qu’un certain nombre de personnalités, se
concertèrent pour élaborer une stratégie de contestations auxquelles
participèrent toutes les catégories de la société. L’imam al-Khomeiny devint le
guide et l’ordonnateur du courant contestataire. Ces événements marquèrent
également le début d’une nouvelle étape dans les luttes du peuple iranien.
Jusqu’en 1963, l’Ayatollah Rouhollah Khomeiny fut reconnu comme l’un des
principaux opposants au régime du Shah. Au centre théologique de Qom, ses cours,
critiques à l’égard du pouvoir en place, réunissaient de nombreux étudiants. Le
22 mars 1963, l’Ecole des Sciences islamiques de Feyzié à Qom, fut envahie par
la Savak (Service de l’information et de la sécurité nationale) le jour de la
commémoration du martyre de l’Imam Dja’far Sadeq (a.s). Ce jour-là, un certain
nombre d’étudiants périrent ou furent blessés et l’Ayatollah Khomeiny fut arrêté
sur le champ. Après sa libération, il persista dans sa volonté de critiquer,
surtout l’influence US grandissante en Iran.
Il fut emprisonné une nouvelle fois le jour d’Achoura. Lorsque la nouvelle
parvint aux participants des cérémonies de deuil - qui se déroulent généralement
dans les rues - elle provoqua des attroupements et des manifestations appelant à
la libération de ce dernier, dans les villes de Téhéran, Ispahan, Machhad,
Chiraz et Cachan. Les forces de sécurité se ruèrent alors sur les manifestants.
L’Imam resta incarcéré jusqu’au mois d’août ; mais dès sa libération, il
conseilla à ses sympathisants de boycotter les élections du mois d’octobre et
fut de nouveau arrêté. L’Ayatollah Khomeiny fut une fois de plus relâché, au
mois de mai. En réaction à la ratification par l’assemblée d’un décret accordant
l’immunité juridique aux conseillers militaires américains, et le vote d’un prêt
de 200 millions de dollars américains pour l’achat de matériel militaire, L’imam
al-Khomeiny émit au mois d’octobre un communiqué condamnant les mesures prises
par le régime. Cette fois, il fut envoyé en exil vers la Turquie, et en 1965,
vers l’Irak (à Nadjaf).
Il vécut ainsi treize années consécutives dans la ville sainte de Nadjaf où il
se distingua en sa qualité de personnalité religieuse. Durant cette période, ses
critiques vis-à-vis du régime Pahlawi continuaient d’être secrètement diffusées
en Iran, et ses messages parvenaient même aux musulmans des différents pays par
le biais du pèlerinage de la Mecque. Ses reproches à l’égard des choix
politiques du pouvoir de l’époque visaient entre autre les réformes agraires
qu’il estimait désastreuses. En Iran, seuls 9% des cultivateurs étaient alors
propriétaires et l’Etat ne leur procurait aucune aide pour augmenter leurs
productions.
Le blé et les autres denrées alimentaires étaient tous importés et l’agriculture
nationale était très peu encouragée. Durant toute cette période, on assista à un
large mouvement d’émigration de paysans vers les villes (8% par an) en raison du
chômage qui sévissait dans les villages. La production nationale déclina et le
pays devint de plus en plus dépendant de l’étranger. Les revenus pétroliers
favorisaient les achats de matériel militaire américain, alors que la grande
majorité de la population se démenait pour sa subsistance ; ce qui ne fit
qu’augmenter l’insatisfaction au sein de la société iranienne.
Durant les années 1970, avec l’augmentation du prix du pétrole, le Shah annonça
que l’Iran rejoindrait bientôt le groupe des cinq premières puissances mondiales
! Il fit preuve d’un véritable manque de lucidité quant à la quantité de denrées
alimentaires indispensables pour répondre aux besoins de la population, à la
démographie florissante du pays ; les occidentaux de leur côté, transformaient
les pétro-dollars du Shah en armements de toutes sortes. C’est ainsi que l’Iran
se retrouva en possession d’un nombre important de tanks Chieftains anglais. Les
Américains vendaient leurs avions militaires au Shah bien avant leur sortie des
chaînes de production. Les hommes d’affaires américains ont en fait joué un rôle
essentiel dans l’économie du pays. Le ciment et les matériaux de construction
furent principalement employés pour bâtir des bases militaires alors que ces
mêmes matériaux venaient à manquer pour la construction de maisons civiles. Le
pétrole, les banques et l’armement iranien étaient contrôlés de très près par
les Etats-Unis. Et de conclure, les cérémonies fastueuses du couronnement en
1971 et celles, célébrant les soi-disant 2500 ans de règne de l’Empire perse, ne
firent en fait qu’augmenter et rendre encore plus évident l’écart trop important
entre les classes pauvres et riches de la société iranienne de l’époque. Toutes
ces décisions et démarches ne cessèrent d’être critiquées, tour à tour et très
sévèrement par l’Ayatollah Khomeiny.
La répression de la liberté de parole, de la presse en somme, et de toute
opposition vis à vis du pouvoir, aboutirent à cimenter les oppositions à
l’étranger. La distribution des messages émis par l’Ayatollah Khomeiny, se
faisait sous forme de cassettes et encourageait d’autant plus la résistance.
Dans ces enregistrements, L’imam al-Khomeiny demandait aux religieux présents
sur le terrain en Iran, de condamner la répression politique et le gaspillage
des ressources nationales. Lorsque le Shah se rendit en 1977 à Washington pour y
rencontrer Jimmy Carter, il dut faire face à des manifestations hostiles à son
égard. D’un autre côté à l’intérieur même de l’Iran, certaines étudiantes
décidèrent de porter le voile islamique dans les universités, en guise de
contestation. En 1977, des agents de la Savak assassinèrent Mostapha, le fils
aîné de L’imam al-Khomeiny. Suite à son martyr de nombreuses cérémonies de deuil
furent organisées par les opposants au régime pour célébrer sa mémoire.
Au mois de janvier 1978, un article outrageant, à propos de l’Ayatollah Khomeiny,
fut publié dans le journal Etela’at. Le lendemain, les étudiants de Qom
organisèrent une manifestation pacifique et prirent l’initiative de se
rassembler en signe de protestation ; mais les forces de sécurité réagirent très
violemment et un certain nombre de personnes tombèrent en martyr. Ce mouvement
se propagea dans le reste du pays, et l’Ayatollah Khomeiny demanda au peuple de
poursuivre la lutte pour renverser le régime du Shah et instaurer un
gouvernement islamique. Lors de chaque cérémonie souvenir, quarante jours après
le martyre des étudiants en religion de la ville sainte de Qom, qui se déroulait
dans les différentes villes du pays, des étudiants tombèrent sous les assauts
des forces de sécurité. Les manifestants réclamaient en tout premier lieu le
retour de l’Ayatollah Khomeiny.
Au mois de septembre de la même année, le Shah demanda l’extradition de l’Imam
de l’Irak, espérant ainsi ébranler son autorité religieuse en séparant ce
dernier de ses sympathisants. L’imam al-Khomeiny accepta alors de se rendre dans
un pays, en dehors du domaine d’influence du régime des Pahlawis. En octobre,
l’Imam part vers la France avec un visa de touriste, et s’installa à Neauphle-le-Château,
proche de Paris, sans demander l'asile politique.
L’année suivante, toujours au mois de septembre (mois de Ramadhan) une
manifestation importante eut lieu qui aboutit à la déclaration et à
l’installation d’un état de siège dans tout le pays. Le lendemain, des citoyens
de Téhéran, non avertis, se rendirent à la tristement célèbre place Jaleh pour y
proclamer une nouvelle fois leurs revendications ; les forces de l’ordre firent
alors feu, tuant un grand nombre de protestants. La nation horrifiée, se souleva
alors toute entière. L’étendue des grèves provoqua la fermeture des marchés, des
écoles et des universités. Des arrêts de travail eurent également lieu dans les
administrations, les usines et l’industrie pétrolière. Pendant ce temps les
proches et les amis de la famille régnante quittèrent le pays en toute hâte.
L’Ayatollah Khomeiny continuait pour sa part d’envoyer régulièrement des
missives depuis Paris. Au cours du mois de Moharram, les 10 et 11 décembre de la
même année, environ 4 millions de citoyens sortirent dans les rues pour réclamer
un gouvernement islamique dirigé par L’imam al-Khomeiny. Durant ces journées des
milliers de manifestants pacifiques étaient tués. Ceux qui étaient arrêtés,
étaient systématiquement torturés. Les fortes pressions de l’opinion publique
obligèrent les Etats-unis à encourager le Shah à nommer un nouveau premier
ministre, Chapour Bakhtiar, espérant ainsi neutraliser l’influence de L’imam al-Khomeiny
dans le pays.
Mais la population considérait le Shah comme principal responsable. Le 16
janvier 1979, le Shah quitta enfin l’Iran à destination de l’Egypte, abandonnant
ainsi le pays à un gouvernement impuissant face au soulèvement populaire.
Début février, l’Imam embarqua dans le jumbo-jet d’Air France, et se rendit
immédiatement à l’étage supérieur. Là, il se livra à ses prières, mangea un peu
de yoghourt, puis s’endormit.
Le vol qui le ramenait en Iran avait les moyens de le faire retourner à Paris en
cas d'impossibilité d'atterir. En raison des peurs de sabotage, aucune femme
iranienne n'était acceptée à bord, où par contre se trouvait plus d'une centaine
de représentants de la presse mondiale.
Tout le monde, ses compagnons et les journalistes, étaient extrêmement nerveux
et inquiets, seul au premier étage, l’Ayatollah dormit tranquillement jusqu’à
cinq heures. Alors que l’avion approchait de Téhéran, un des exilés, qui comme
les autres n’avait pu fermer l’œil toute la nuit, alla voir l’Imam. Il attira
son attention sur le spectacle de la ville qu’il n’avait pas vue depuis presque
quatorze ans.
L’avion atterit à l'aéroport de Mehrabad, Rouhollah descendit de l'avion, aidé
du pilote, sous le tir des photographes.
Une foule immense est venue l'accueillir et court derrière sa voiture: une
véritable marée humaine converge vers le cimetière de martyrs Behecht-e Zahra,
premier lieu visité par l'Ayatollah en Iran.
L’Imam ordonna sans plus attendre la formation d’un gouvernement islamique
provisoire. Peu après des centaines de membres de l’armée de l’air se rendirent
auprès de l’Imam pour lui apporter leur soutien. Ensuite, la majorité des forces
de sécurité adoptèrent L’imam al-Khomeiny en tant que guide : les postes de
police, les prisons, les bases militaires et les administrations
gouvernementales tombèrent aux mains des révolutionnaires.
Le 11 février le régime du Shah s’écroula et la population assista à la victoire
de la révolution islamique. Au début du mois de mars, L’imam al-Khomeiny déclara
la formation d’un gouvernement révolutionnaire, posant ainsi la première pierre
de la République Islamique d’Iran.