Dr Ali Shariati analyse dans son ouvrage Fâtimah est Fâtimah le rôle politique de
Sayeda Fâtimah az-Zahraa (Que la Paix de
Dieu soit sur elle).
Dr Ali Shariati est né en 1933 et est décédé en 1977 à
Southampton à Londres, à l’âge de 44 ans. Il a été assassiné par les hommes du
Shah d’Iran. D’ailleurs, il fut emprisonné et maltraité à plusieurs reprises
durant son existence.
Quand son corps fut retrouvé chez lui, son ami Sayed Moussa as-Sadr demanda au
président syrien de l’époque, Hafez al-Assad que Dr Ali Shariati soit enterré
près de la tombe de Sayeda Zeinab (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) à Damas. Shariati fait partie des grands
intellectuels de la pensée islamique du 20ème siècle.
Dans notre analyse de l’ouvrage de Shariati, Fâtimah est Fâtimah, nous répondrons
à un certain nombre de questions :
1 – Est-ce que la religion et la politique se mélangent ou non ?
2 – Les femmes arabes avaient-elles la possibilité de s’engager politiquement
avant l’arrivée de l’Islam ?
3 – Y a-t-il des femmes politiques dans le Saint-Coran ?
4 – Qui étaient les femmes importantes qui ont aidé la religion islamique à
entrer dans le système politique et à se répandre ?
5 – Comment Shariati percevait-il les talents politiques de Sayeda Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) ?
Comment Shariati percevait-il Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) quand il disait "Fâtimah est Fâtimah" ?
1 – Est-ce que la religion et la politique se mélangent ou non ?
Beaucoup de personnes disent que la religion et la politique ne vont pas
ensemble. Avant, les gens avaient l’habitude de dire « Parlez-moi de tout ce que
vous voulez mis à part de religion et de politique ».
La question "Est-ce que la religion et la politique se mélangent" est vue de
façon négative pour deux raisons :
- A cause d’une certaine période que les gens aimeraient oublier
- A cause d’une citation qui a été mal interprétée (qui a été prise en dehors de
son contexte)
Dans le Christianisme, il y a une citation connue « Rend à César ce qui
appartient à César et rend à Dieu ce qui appartient à Dieu ». Beaucoup de
chrétiens disent que cela veut dire que la religion et la politique ne doivent
pas se mélanger. Le problème est qu’ils ont enlevé cette citation de son
contexte. Pourquoi une telle citation a-t-elle existé ? Certains voulaient que
les Romains attaquent Jésus Christ. Aussi, ils sont venus voir Jésus et lui ont
dit : « Les Romains nous demandent de payer des taxes. Devons-nous leur payer
des taxes ou pas ? » A` ce moment-là, Prophète Issa (Que la Paix de Dieu soit sur lui) a dit : « Donnez à
César ce qui revient à César et donnez à Dieu ce qui revient à Dieu ». Cette
citation n’a rien à voir avec la religion et la politique. Ce que Jésus voulait
dire ici c’est que "Vous habitez dans l’Empire Romain, quand vous devez payer
des taxes à César, alors donnez-les à César et quand vous êtes chrétiens, donnez
à Dieu ce que vous avez à Lui donner." C’est comme nous qui, lorsque nous
habitons en France, devons payer des taxes à l’E'tat français et en même temps,
nous avons des taxes à payer à Allah (swt) . Cette citation ne signifie pas que
la religion et la politique ne se mixent pas.
Si les chrétiens ont rejeté le fait de mélanger la religion et la politique, ils
ne l’ont pas fait à cause de la religion mais ils l’ont fait parce que certains
membres de cette religion ont utilisé la politique de façon corrompue.
Galilée a été envoyé en prison car il a dit que la terre est ronde. Les
scientifiques étaient emprisonnés car ils parlaient à l’encontre de la religion
et de ses membres. Les prêtres étaient corrompus. C’est pour cela que lorsque la
notion de sécularisme est apparue, les gens ont commencé à montrer leur intérêt
pour le sécularisme, pas parce qu’ils tenaient au sécularisme en tant que tel
mais parce qu’ils en avaient marre de la corruption des religieux intégrés dans
la politique. Les gens tenaient à la séparation de l’E'glise et de l’E'tat.
Cela nous a affecté dans la religion de l’Islam. Rappelons-nous l’époque de
Hajjaj Ibn Youssef al-Thaqafi durant laquelle la religion et la politique
causaient la corruption. Quand les gens ont vu que ceux qui entrent dans la
politique deviennent corrompus, ils ont commencé à clamer "Nous ne voulons pas
que la politique et la religion soient mélangés".
Nous pourrions retourner la question et dire "Est-ce que le sécularisme et la
politique vont ensemble ?" Si nous regardons Mao Tse Toung, Nicolae Ceausescu et
Staline, nous pouvons affirmer que le sécularisme et la politique ne doivent pas
se mélanger car avec ces trois dictateurs, plus de 50 millions de personnes ont
été tués. Parfois, la société dépourvue de religion peut être la pire société
qui puisse exister.
2 – Quand le
Messager de Dieu vint en Arabie, les femmes arabes avaient-elles la
possibilité de s’engager politiquement avant l’arrivée de l’Islam ?
Pour comprendre les talents politiques de Sayeda Fâtimah az-Zahraa (Que la Paix de
Dieu soit sur elle), il est
important pour nous d’examiner d’abord la situation en Arabie.
Un groupe de personnes s’avancent et répondent à cette question par la négative.
Elles disent qu’en Arabie, les femmes n’avaient aucun rôle politique, elles
étaient considérées comme des moins que rien, la très grande majorité d’entre
elles étaient enterrées vivantes. Ce n’est là qu’une partie de la vérité.
Les femmes étaient politiquement actives en Arabie car beaucoup d’hommes arabes
reconnaissaient qu’une société ne peut pas s’épanouir tant qu’une femme n’a pas
le même droit de parole qu’un homme. La femme a une vision de la société au même
titre que l’homme.
Le parlement arabe, Dar-an-Nadwa, était dirigé par Abou Lahab et Abou Soufiyane
ainsi que les deux femmes qui faisaient partie duurs vies : Oum Jamil, la
femme de Abou Lahab et la sœur d’Abou Soufiyane ainsi que Hind, la femme d’Abou
Soufiyane. Elles faisaient toutes les deux partie du spectre politique. Aucune
décision n’était prise en Arabie sans qu’Oum Jamil et Hind ne disent leur mot
dessus. Oum Jamil était au cœur du système politique. Elle persuadait les gens
à assassiner le Messager de Dieu. Elle dit au parlement à Abou Soufiyane que le
Messager de Dieu venait rendre visite à son oncle Abou Lahab une fois par
semaine . Elle dit "Je vais faire intoxiquer son oncle et quand il sera
inconscient, je veux que vous entrez tous dans la maison pour tuer Mohammad".
Elle savait que si Abou Lahab avait tous ses sens, il ne permettra pas de tuer
son neveu car les Arabes respectaient les liens familiaux. Abou Talib avait des
contacts dans le parlement. Les contacts d’Abou Talib lui ont rapporté qu’on
allait attaquer Mohammad (Que la Paix de
Dieu soit sur lui et sur sa famille) dans la maison d’Abou Lahab. Regardez le rôle
qu’avait Oum Jamil ! Elle a organisé tout cela sans même que son mari ne soit
au courant. Cela montre qu’une femme peut s’organiser d’un point de vue
politique de la même manière qu’un homme.
Voyons Hind. Elle a soulevé les masses durant la bataille d’Ohod. Pourquoi ?
Parce qu’elle voulait se venger des performances d’Ali bin Abi Talib à Badr. A`
Badr, l'Imam Ali (Que la Paix de Dieu soit sur lui) avait anéanti sa famille : il avait tué Outbah
bin Rabiah,
son père et Walid son frère. Dans le film al-Rissala , nous remarquons que
lorsque Hind apprend la défaite à Badr, elle s’énerve et crie « Mohammad, Ali,
Hamza ! » Savez-vous pourquoi elle les cite dans cet ordre ? Elle appelle
Wahchi et lui dit : « Je veux que tu tues Mohammad ! » Il répond : « Je ne
peux pas car il y a beaucoup de personnes qui le protègent. » Elle dit : «
Alors, tue Ali ! » Il répond : « Je ne peux pas le tuer non plus car Ali bin Abi
Talib est comme un loup sur le champ de bataille. Quand vous lui jetez une
lance, il parvient à sentir de quelle direction elle vient. » Hind dit alors : «
Et Hamza ? » Wahchi répond : « Oui, je peux le tuer ! »
Les exemples d’Oum Jamil et de Hind nous montrent que lorsque le Messager de
Dieu a
bâti l’Islam, il l’a bâti dans une Arabie où les femmes étaient politiquement
actives.
3 – Quelles sont les femmes politiques dont on parle dans le Saint-Coran ?
Il y a deux reines dont on parle dans le Saint-Coran :
a) Bilkiss, la reine de Shiba, qui, bien qu’elle soit la reine d’une nation,
était très humble. Son système politique était fondé sur l’humilité .
b) Assia, la femme de Fir’aun qui défendit politiquement les magiciens qui
étaient vaincus par Moïse. Politiquement, elle se prononce contre Fir’aun et
elle va se faire exécuter pour avoir dénoncé l’injustice de Fir’aun.
Quand vous regardez les débuts de l’Islam, si les femmes n’étaient pas fortes
d’un point de vue politique, cette religion n’aurait jamais pu être bâtie. Ce
sont les femmes qui ont dénoncé l’injustice et ont soutenu les hommes.
4 – Qui étaient les femmes importantes qui ont aidé la religion islamique à
entrer dans le système politique et à se répandre ?
a) Asma binte Oumays, l’épouse de Ja'far Ibn Abou Talib
Ja'far bin Abou Talib a du quitter Makka pour émigrer en E'thiopie selon les
ordres du Saint-Prophète (Que la Paix de
Dieu soit sur lui et sur sa famille). Il y est allé avec des compagnons et Asma
binte
Oumays l’y a accompagné également. C’est en Afrique qu’elle donna naissance à
Abdoullah Ibn Ja'far, l’époux de Sayeda Zeinab (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) Abdoullah Ibn Ja'far
est le premier musulman à être né en Afrique. Asma binte Oumays resta avec son
époux en E'thiopie, elle le soutenait et le défendait d’un point de vue
politique.
Abou Moussa al-Ash’ari raconte qu’un jour Asma binte Oumays vint rendre visite à
Hafssa, la fille d’Oumar al-Khatab. A` ce moment-là, Oumar rentra dans la maison
et vit qu’il y avait une invitée. Il demanda « Qui est cette femme-là ? » On lui
répondit « C’est Asma binte Oumays ». Il demanda alors « Asma qui est allée en
migration ? » On lui répondit par la positive. Il s’adressa alors à Asma : «
Nous sommes meilleurs que vous car nous avons émigré en compagnie du Messager de Dieu ». Le Saint-Prophète (Que la Paix de
Dieu soit sur lui et sur sa famille) répliqua : « Non ! Ils sont meilleurs car
ils ont subi deux migrations : une vers l’E'thiopie et une vers Médine ».
b) Oum Salma, l’épouse du Messager de Dieu
Quand le Saint-Prophète (Que la Paix de
Dieu soit sur lui et sur sa famille) accepta les clauses du traité de Houdaybiya,
certains des compagnons ripostèrent : « Pourquoi avez-vous signé un accord avec
eux ? » A` ce moment, le Saint-Prophète (Que la Paix de
Dieu soit sur lui et sur sa famille) devint triste. Oum Salma était
près du Messager de Dieu dans la maison. Le Saint-Prophète (Que la Paix de
Dieu soit sur lui et sur sa famille) lui dit : « Regarde Oum Salma, certaines personnes disent du mal de moi de cette façon. » Elle
répondit : « O Messager de Dieu, ne vous inquiétez pas, je suis avec vous. Votre
décision politique est une sage décision. » Son épouse le consola et agit comme
une colonne vertébrale pour lui.
Vous trouvez dans le Saint-Coran et dans les hadiths de nombreuses femmes qui
allient politique et religion.
C’est pour cela que lorsque Dr Ali Shariati parle de Sayeda Fâtimah az-Zahraa
(Que la Paix de
Dieu soit sur elle), il dit Fâtimah est Fâtimah.
5 – Comment Shariati percevait-il les talents politiques de Sayeda Fâtimah
(Que la Paix de
Dieu soit sur elle) ?
Comment Shariati percevait-il Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) quand il dit Fâtimah est Fâtimah ?
Shariati affirme que Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) est dans la lignée de Bibi Hajar (Que la Paix de Dieu soit sur elle) En effet,
aux yeux des gens normaux, Hajar était une esclave tandis qu’aux yeux des
musulmans, Hajar (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) était une femme libre et émancipée car elle est enterrée
près de la Sainte-Kaaba. Combien de femmes ont-elles eu l’opportunité d’être
enterrées près de la Kaaba ? De plus, le fils de Bibi Hajar (Que la Paix de
Dieu soit sur elle), Ismaïl (Que la Paix de Dieu soit sur lui) est
l’ancêtre de Bibi Fâtimah (Que la Paix de Dieu soit sur elle)
Shariati explique ensuite pourquoi Sayeda Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) est appelée "kawthar" dans
le Saint-Coran dans « 'Inna 'A`taynakal-Kawthar ». Kawthar signifie
abondance et Bibi Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) a hérité d’une abondance de valeurs de la part de
son père le Messager de Dieu.
Dr Ali Shariati explique que Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) a grandi dans une époque difficile et
cela a développé son caractère. Cette Fâtimah voyait qu’on jetait le placenta
d’un animal sur la tête de son père et c’est elle qui nettoyait les dégâts.
Shariati dit qu’il y a Fâtimah, la fille du Prophète (Que la Paix de
Dieu soit sur lui et sur sa famille) et Fâtimah az-Zahraa, c’est-à-dire
Fâtimah elle-même. L’auteur compare ensuite Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) aux autres
femmes du Paradis. Il explique qu’Assia (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) éleva Moussa (Que la Paix de Dieu soit sur lui), Maryam (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) éleva
Issa (Que la Paix de Dieu soit sur lui) et
Khadija (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) a pris soin de Mohammad (Que la Paix de
Dieu soit sur lui et sur sa famille). Mais il n’y a pas de
limites à ceux que Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) a élevés.
Ne sommes-nous pas des partisans de Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) ?
Les 90 jours qui ont suivi le décès du Messager de Dieu sont les jours où Fâtimah devint
Fâtimah car politiquement elle dénonça l’oppression.
Le premier endroit où Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) était active d’un point de vue politique est au
moment du Moubahila. Bibi Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) avait 16 ans à ce moment-là.
Pour la majorité des gens, moubahila veut dire que la malédiction de Dieu est
sur la partie perdante. Mais selon Shariati, un moubahila est un moment où vous
en tant que Prophète d’Allah dites « Ceux que j’emmènerai avec moi demain sont
les balises de cette religion que j’ai bâtie. J’ai tellement confiance sur les
personnes que je vais emmener demain que je veux reposer la vie entière de cette
religion sur ces personnes. » C’est pour cela que les compagnons voulaient être
à côté du Messager de Dieu ce jour-là.
Le second événement durant lequel Bibi Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) a eu un rôle politique de
première importance est au moment du Saqifa. Par son discours, elle a montré
qu’elle a ses propres principes, son caractère à elle. Elle défendit les droits
de son époux l'Imam Ali (Que la Paix de Dieu soit sur lui)
Ensuite, elle a joué un rôle politique important au moment de Fadak. Ayatoullah
Najafi Mar’ashi rapporte un hadith de notre 12ème Imam (Que la Paix de Dieu soit sur lui) qui a affirmé qu’un
des signes de nos partisans est qu’ils ont mémorisé le sermon de Fâtimah
az-Zahraa
(Que la Paix de
Dieu soit sur elle) à Fadak. En effet, le sermon de Sayeda Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) a secoué toute l’Arabie.
Fâtimah (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) a défendu l’imamat et c’est grâce à elle que l’imamat a été préservé
jusqu’à maintenant.
Rappelons-nous les sermons de Sayeda Zeinab (Que la Paix de
Dieu soit sur elle) à Koufa et à Sham…En écoutant ces sermons de Bibi Zeinab (Que la Paix de
Dieu soit sur elle), nous remarquons une ressemblance flagrante
entre mère et fille.
Sources : Majaliss de Sayed Ammar Nakshawani (Fatemiyah 2009), Fâtimah is
Fâtimah
de Dr Ali Shariati et Al-Hurr, l’homme libre de Dr Ali Shariati
Traduction et synthèse par une Kaniz-e-Fatema