Au Nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux
Premièrement, Fâtimah az-Zahraa
[1]
« Certes, Dieu se courrouce en raison de la colère de Fâtimah et se réjouit de
son contentement » ; « Fâtimah est une partie de moi, quiconque la blessera
m’aura blessé et quiconque l’aimera m’aura aimé » ; « Fâtimah est mon cœur et
l’âme entre mes côtes » ; « Fâtimah est la maîtresse des femmes du Monde ». Ces
témoignages et d’autres, similaires, abondent dans les recueils de hadiths et
les biographies consacrées au Messager de Dieu, Mohammad, qui ne s’exprime pas
par passion ni sous l’influence des liens familiaux ou matrimoniaux, et
qu’aucune réprimande de quiconque ne peut toucher en Dieu.
Les positions, la parole, les actes et le silence du Prophète de l’islam, bref
son existence tout entière – lui qui s’était fondu en son apostolat et en qui
les gens trouvèrent un modèle à suivre, dans les palpitations de son cœur, les
regards portés par ses yeux, le toucher de sa main, les enjambées de sa démarche,
le reflet de sa pensée – était devenue enseignement religieux, prescriptions
divines, éclairs de guidance et voies de salut. Or, les insignes du Sceau des
Prophètes sur la poitrine de
Fâtimah la Resplendissante deviennent plus éclatants
avec le passage du temps, avec le progrès des sociétés et à mesure que l’on
médite le fondement de l’islam enfoui dans cette narration prophétique adressée
à son égard : « ô Fâtimah ! Œuvre pour ton propre compte, car sans l’ombre d’un
doute, je ne te serais d’aucun secours une fois en présence de Dieu… ».
Fâtimah la Resplendissante est l’idéal féminin conforme à la volonté divine, un fragment
de cet islam incarné par Mohammad, un modèle de vie pour la femme musulmane et
pour l’être humain croyant en tout lieu et en tout temps. La connaissance de
Fâtimah constitue certainement un chapitre du livre du message divin, si bien que
l’étude de sa vie s’apparente à une tentative pour comprendre l’islam et
représente une inspiration précieuse pour l’humanité contemporaine.
Deuxièmement : en compagnie de l’auteur
Envahi par ce sentiment, j’écoutais le professeur émérite et génial homme de
lettres, Solaymân Kettaneh, dans son ermitage de Baskinta
[2] situé sur le
versant [ouest] du Mont Sannine [3], lire son précieux ouvrage intitulé
Fâtimah la Resplendissante, une exception cachée. Je l’écoutais et voyais devant moi
d’admirables tableaux, qui révélaient clairement son bon goût et le sublime de
son art. Pendant de longues heures, j’ai parcouru avec lui le monde vaste et
lumineux de Fâtimah, éprouvant un sentiment de grandeur et d’élévation, jouissant
de la vision et du discernement, fier dans ma raison et mon cœur devant ce
patrimoine glorieux et engagé. Devant la manifestation de la beauté divine en
Fâtimah, reflétée dans la pensée et le cœur de cet honnête homme, ces heures
furent un plaisir de la vie. J’en revins à l’introduction du livre et je
l’entendis poursuivre en lisant ceci : « C’est pourquoi je vais écrire Fâtimah la
Resplendissante, en évitant autant que possible la préposition « sur », utilisée
dans les biographies, et je vais éviter également la narration, car la plume se
trouvant entre mes doigts n’a pas tant à analyser la proportion de fer et de
souffre dans la tige d’une fleur qu’à en peindre la couleur et frémir sous
l’emprise du parfum qui s’en dégage ».
Je lui dis : « As-tu réservé ton exposé original sur Fâtimah à ceux qui la
connaissent déjà et sont informés de sa vie grâce aux biographies et aux récits
existants, l’interdisant de ce fait à ceux qui veulent en faire la connaissance
? Pourquoi ne pas tracer le chemin qui mène au soleil et à la source de vie,
afin que notre société, en lisant le livre, puisse éduquer une femme et un homme
dignes de Fâtimah ? » Je lui dis : « Ces fresques magnifiques vont certainement
étonner et attirer l’esprit des gens décontenancés, embarrassés par les
recherches, les théories et les expériences menées sur la femme [4], de sorte
que la femme est devenue le plus grand problème de la société traditionnelle et
moderne ; or cet étonnement et cet attrait les pousseront à chercher les
éléments constitutifs de ces tableaux, fer et souffre, et ouvriront l’accès à
ces maisons dont Dieu a autorisé la célébration [5]. Les chercheurs
contemporains des caractéristiques de la civilisation moderne l’appellent «
civilisation de la sexualité », ce qui révèle l’importance prise par la question
de la vision portée sur la femme et les erreurs monumentales dont nous souffrons
à cause des errements de la civilisation au sujet de la femme. Les opinions des
écrivains, des psychologues et du matérialisme dominant tout, jusqu’à
l’existence de la femme, ont assombri les pistes et les ont inondées de
passions, anéantissant le vrai, généralisant l’incertitude et pulvérisant
l’humanité de la femme sous le poids des expériences anciennes et modernes.
Aussi ressentons-nous aujourd’hui plus que jamais le besoin d’une présentation
concise de la vie de Fâtimah la Resplendissante, afin d’en faire un guide dont la
biographie nous inspirerait la voie de la perfection et de la réforme ». Je lui
dis tout cela. Je l’entendis dire alors d’une voix assurée et avec le sentiment
du devoir accompli : « C’est pourquoi je t’ai laissé le soin d’écrire
l’introduction au livre et de t’acquitter de cette obligation, de sorte que la
boucle soit bouclée et que l’ouvrage soit complet ». Je ressentis une grande
gêne face à cet objectif élevé et quant au procédé. Aussi lui rapportai-je la
parole du vénéré Imam ’Abd al-Hussein Sharaf al-Din dans son éloge du livre
intitulé L’Imam Ali, voix de la justice humaine, adressée à son auteur,
brillant écrivain : « Prête-moi ton crayon pour que je loue ton œuvre ». C’est
l’expression employée par celui dont les livres et les essais rayonnent au
firmament de l’écriture, un homme de science et de traités : qu’en serait-il
alors de mon piètre crayon et de ma marchandise de peu de valeur ? Malgré tout,
je m’inspirerai de Fâtimah la Resplendissante pour cette modeste tentative et
remplirai autant que possible mon devoir en implorant du Seigneur de m’accorder
ainsi qu’au respectable lecteur, la grâce d’une analyse juste et de
l’inspiration.
Troisièmement : la femme
En réalité, découvrir la position de l’islam sur la femme de nos jours n’est pas
exempt de difficultés, car les écrits religieux islamiques semblent d’emblée
divers et contradictoires ; la difficulté augmente également du fait que
certaines coutumes persistant chez les peuples islamiques se sont mêlées aux
enseignements islamiques authentiques, donnant l’impression au chercheur
d’appartenir toutes à l’islam.
Si nous considérons les opinions des orientalistes, même ceux de bonne foi parmi
eux, et si nous étudions également ce qu’ont écrit certains auteurs musulmans,
nous constatons que ces difficultés de l’étude ont rendu obscure et ignorée la
véritable position de l’islam sur la femme, de sorte que la plupart ont adopté
des opinions éloignées de la vérité et que certains ont jugé la femme opprimée
en islam.
La vérité est qu’il existe chez les musulmans deux types de patrimoine : des
enseignements religieux coutumiers et des habitudes héritées du passé qui ne
figurent pas dans le corpus religieux. Et l’on doit précisément s’efforcer de
les distinguer. Et puis ce corpus religieux islamique est à son tour de deux
sortes : la première aborde la situation de la femme à un moment donné de
l’Histoire ; la seconde sorte est constituée par des enseignements fondamentaux
immuables. Pour clarifier cela, j’attire l’attention du chercheur sur la
terminologie des logiciens et des usulites [6], lesquels distinguent pour chaque
information (selon leur terminologie, chaque question) la question réelle de la
question extérieure [7] : la première s’intéresse aux règles constantes
s’appliquant à l’objet en tout temps et en tout lieu, alors que la seconde
s’intéresse à l’objet tel qu’il se présentait au temps de la promulgation de la
règle et explore sa situation uniquement dans ce contexte. Afin de découvrir la
vérité de la position islamique sur la femme, il nous faut mettre les versets
coraniques au fondement de la recherche sur la femme et les considérer comme le
cadre des enseignements réels, et non pas extérieurs, au sujet de la femme ;
c’est alors seulement que nous pourrons distinguer les coutumes des règles et
identifier les règles constantes en les démêlant des opinions temporaires.
Avis du Coran sur la femme
Le saint Coran, contrairement à l’ensemble des opinions philosophiques,
doctrinales et coutumières qui prévalaient avant et pendant sa Révélation, et
contrairement à beaucoup d’opinions et de coutumes tardives, définit la femme et
la considère équivalente à l’homme dans les faits et dans l’essence [8]. Puis il
déclare qu’elle participe essentiellement à la constitution de l’enfant, qu’elle
n’est pas un passage vers la procréation de l’homme ni un champ pour sa semence
[9]. Et Dieu a fait du prophète Mohammad un témoin cautionnant cette position,
sa descendance se poursuivant à travers Fâtimah, en dépit de ceux qui l’avaient
surnommé l’amputé (abtar [10]]) après le décès d’Ibrâhim, le fils qu’il avait eu
de Marya la Copte, en l’an 2 de l’Hégire [11]. Et le saint Coran insiste sur
cette égalité dans de nombreux versets en répétant l’expression « les uns des
autres » [12] , puis il décrète des lois pour le respect de la personne de la
femme et de sa famille, et pour le respect matériel [13], spirituel [14],
économique [15] et politique [16] de son travail ; il affirme son respect de la
parenté lors d’une succession [17] et sa reconnaissance de l’ensemble de ses
droits dans toutes les affaires de la vie [18]. De plus, nous ne trouvons dans
aucun verset coranique ce qui interdirait à la femme de gérer ses biens, même
après le mariage [19] ou permettrait de lui imposer un mariage sans son
contentement [20]. Et les versets qui associent la femme à l’homme dans
l’explication des règles, dans les hommages, dans les admonestations ou les
leçons sont très nombreux, sans baisser son rang, ni la mépriser ou la
considérer moins importante que l’homme [21].
Concernant la vie conjugale, afin de protéger l’épouse, d’éviter que la vie
commune des époux ne débouche sur une impasse et de permettre de trancher dans
des questions relevant de leurs affaires communes, [le Coran] a accordé un rang
supérieur à l’homme par rapport à son épouse, et à aucune autre femme – cela
après avoir affirmé l’identité des droits et des devoirs entre eux dans le noble
verset [22]. Ce rang, c’est celui que le Coran a évoqué en un autre endroit
[23]. Et qui a approfondi l’étude du saint Coran trouve que les différences
qu’il consacre entre l’homme et la femme affirment une égalité substantielle et
accorde également à tous deux une importance juste. Car la disparité des règles,
des devoirs et des droits naît de la disparité entre eux dans les compétences,
les spécialisations et, souvent, les dispositions spécifiques. Ainsi la femme
est-elle adaptée, de par sa constitution corporelle et spirituelle, à la
maternité et à l’éducation des enfants et cette mission a été considérée comme
l’institution la plus importante en islam en vertu du hadîth [24]. Non moins
importante que toute autre mission vitale, dans la mesure où elle forme
l’individu qui est le pilier des sociétés, cette mission s’accorde à la nature
de la femme ; en vertu de quoi l’islam lui recommande d’assumer cette vocation
sans toutefois le lui imposer [25] .
En guise de compensation, il double la quote-part de l’homme par rapport à celle
de la femme dans l’héritage afin que se réalise la justice et afin que, selon
l’expression coranique, le capital "ne soit pas attribué à ceux d’entre vous qui
sont riches." Et l’islam fonde les dispositions légales restantes sur la base de
cette spécificité et de cette pratique, en acceptant le témoignage de la femme
dans le cadre de son travail et de sa compétence notamment. Quant à la question
du voile en islam, elle ne vise pas à dévaloriser ou enfermer la femme, ni à la
glorifier exagérément, comme il était de coutume chez certains peuples, mais
c’est plutôt une arme en faveur de la femme et un barrage à la suprématie de la
féminité en elle, afin d’éviter que cet aspect ne domine toutes ses autres
compétences. Cette intention est claire dans les versets coraniques qui
interdisent la sujétion dans le discours, ou le piétinement dans la démarche ou
le maquillage et l’étalage de ses atours [26]. En réalité, l’ostentation des
charmes de la femme aboutit à la suprématie de la féminité sur son existence, et
la transforme en simple œuvre d’art. C’est là un mépris de la femme et une récusation de ses compétences, un abrégement de sa durée de vie, de son temps et
de ses chances ; en particulier, cela conduit à la priver, et à priver la
société, de son talent pour la maternité.
Ce sont là les principales grandes lignes de la position de l’islam vis-à-vis de
la femme, à partir desquelles nous pouvons reconnaître les coutumes et les
distinguer des dispositions légales, de même qu’il nous devient possible de
discerner celles des narrations qui décrivent la situation de la femme à une
étape historique particulière. Et le Messager de Dieu a fourni un effort infini
pour améliorer la situation des femmes de son époque, qui portait les traces de
la persécution et des préjugés d’un long passé, et pour la valoriser aux yeux
des gens, en considérant que « les filles sont la meilleure progéniture », que «
le meilleur des hommes est celui qui se comporte le mieux envers sa femme », que
« la femme lui est aussi agréable en ce monde que la prière » et que « les
femmes sont un dépôt confié par lui à sa Nation ». Et il me semble que les
propos rapportés de l’Imam Ali au sujet de la femme lui ont valu d’être
considéré par certains chercheurs, orientalistes et autres, comme un ennemi de
la femme, tel ce propos : « La femme est tout entière un mal, et le plus malin
en elle est qu’elle est nécessaire » ; ou cet autre propos : « Les femmes sont
un bégaiement et un point faible, alors dissimulez ce bégaiement dans le silence
et ce point faible dans les demeures », entre autres… Ces citations, en
supposant qu’elles soient bien de l’Imam Ali, ne sont autres que les «
questions extérieures » de la terminologie usulite décrivant la situation de la
femme à une époque historique particulière.
En outre, on trouve chez l’Imam des formules et des sagesses qui correspondent
parfaitement à ce que nous avons déduit du saint Coran. Il essaie parfois de
donner une explication pénétrante des propos répandus parmi les gens sur les
femmes, si bien que quand il entend le fameux proverbe : « Certes, les femmes
ont une raison défaillante, une quote-part d’héritage incomplète et une faible
foi », il le commente en accord avec ce que nous avons observé des enseignements
coraniques sur la différence portant sur l’héritage, le témoignage et
l’acquittement de certains devoirs dans des situations particulières ; on
rencontre dans cette méthode une posture pédagogique éminente qui se retrouve
dans la vie du Prophète, des Imams et de Fâtimah la Resplendissante.
Quatrièmement : brève biographie
Fâtimah est née cinq ans après le début de la Mission du Prophète béni
c’est-à-dire huit ans avant l’Hégire. C’est le dernier enfant du Prophète avec
Khadija. Elle est née à La Mecque, dans la demeure de la révélation et du Jihad,
dans une atmosphère de patience, de persévérance et d’endurance face aux
difficultés. Elle a grandi entourée des sentiments sincères et du pur amour
réciproque entre le messager de la miséricorde et Khadija, dont le Prophète
n’oubliera jamais les sentiments et la fidélité tout au long de sa vie. Elle
émigra après le messager de Dieu depuis La Mecque vers Médine, avec les autres
femmes de la famille du Prophète, sous la supervision d'Ali bin Abi Tâleb. Ils
se rassemblèrent dans un seul convoi d’émigrants à la station de Qoba près de
Médine. Elle se maria avec Ali bin Abi Tâleb la deuxième année de l’Hégire (623
apr. J.-C.), alors qu’il avait vingt-trois ans et qu’elle en avait dix [27] .
Le Prophète a affirmé à ses compagnons que la préférence donnée à Ali sur les
nombreux prétendants de Fâtimah était une recommandation divine et découlait de
l’insatisfaction manifestée par Fâtimah vis-à-vis de tout autre prétendant que
Ali. Elle ne fut consentante qu’envers Ali, malgré les multiples tentatives
des femmes de Médine, qui déconseillaient à Fâtimah de l’épouser, arguant de sa
pauvreté, de sa participation continue au Jihad et de son intransigeance dans
l’obéissance à Dieu. Elle vécut avec Ali huit années d’une vie exemplaire,
devenue le symbole de la vie de couple, et lui donna Hassan, Hussein, Zaynab et
Oumm Koulthoum, et Mohsen qu’elle perdit par une fausse couche suite au décès de
son père lors des événements douloureux qui se produisirent à ce moment-là.
Elle décéda quelques mois seulement après son père et est enterrée en un lieu
tenu secret, conformément à sa volonté, de même que la cérémonie d’inhumation et
le convoi funèbre se firent secrètement, selon son désir. Des indices
historiques et des narrations rapportées évoquent l’un des trois emplacements
suivants pour sa tombe : le cimetière de Baqi’, son logement aujourd’hui contigu
à la tombe du Prophète, enfin le splendide parterre situé entre la niche-mihrab
du Prophète et son tombeau, que l’on peut aujourd’hui identifier par des
colonnes spécifiques. Quant à son âge, il a atteint dix-huit ans et quelques
mois et représente, malgré sa brièveté, un exemple complet et parfait de la vie
de la femme, telle que Dieu la souhaite et que sa religion cherche à réaliser.
En effet, les enseignements religieux ont besoin de personnes exemplaires qui
les incarnent pleinement et en sont une réalisation complète, afin de les
extirper d’une idéalisation hypothétique et de retirer aux gens tout faux
prétexte une fois confrontés au Tout-Puissant.
Et quand le Messager de Dieu voulut faire une exécration réciproque – consistant
à solliciter de Dieu la malédiction sur le menteur parmi une assemblée afin de
manifester la véracité d’une partie prenante à une polémique –, cela constitua
le dernier recours efficace d’apostolat de la part des prophètes pour faire
triompher la religion authentique de Dieu ; il l’ordonna sur la base du verset
béni [28] si bien que le grand Prophète dut exhiber les fils, les femmes et les
personnes, qui représentent les hommes, les femmes et les enfants de l’islam ;
c’est ainsi qu’il choisit Ali, Fâtimah, ainsi que Hassan et Hossayn, affichant
ainsi sa foi dans la vérité et dans le fait que ceux-ci en représentent
parfaitement la religion.
Ainsi nous revient-il, après cette courte revue biographique, d’étudier
brièvement la personnalité de cette femme, Fâtimah az-Zahraa’, qui est l’exemple
avéré de la femme musulmane.
Cinquièmement : « la mère de son père »
La jeune Fâtimah essaie de participer à la lutte (Jihad) de son père et s’efforce
sincèrement de compenser le vide sentimental dû à la perte de ses parents au
début de sa vie ; ce vide indisposait le Prophète et se reflétait sur son cœur
délicat assoiffé d’amour. Le Prophète avait besoin de l’affection et de
l’attention maternelles dans sa vie, dans son entreprise pénible et harassante,
dans son affrontement avec un environnement impitoyable ; et il trouvait cela
chez Fâtimah. L’histoire ne nous rapporte qu’un aperçu de ces attentions
maternelles de Fâtimah envers le Prophète, mais elle confirme le succès de la
tentative de Fâtimah pour apporter à Mohammad une plénitude affective et cela
l’aida sans doute à supporter les grandes difficultés liées à la prophétie.
L’histoire confirme cela en transmettant souvent de sa bouche : « Fâtimah
est la
mère de son père ».
Et l’on voit d’ailleurs qu’il se comporte avec Fâtimah comme on le ferait avec
une mère, lui baisant les mains, la visitant d’emblée une fois arrivée à Médine,
commençant ses voyages et périples en allant la voir et en lui faisant ses
adieux, comme s’il faisait le plein d’affection pour son voyage auprès de cette
source pure. D’un autre côté, on trouve le sentiment paternel du Prophète
parfaitement incarné dans sa relation à Fâtimah.
Quand il fut ordonné aux gens de s’adresser à Mohammad avec l’expression «
Messager de Dieu » et que Fâtimah se conforma à cet ordre, le Messager de Dieu
l’en défendit et lui demanda de l’appeler « père ». Et l’on remarque dans la
biographie du saint Prophète qu’il la visitait fréquemment dans ses moments de
fatigue et de souffrance, ou quand il était blessé à la guerre, quand il avait
faim, dans les moments d’indigence ou pendant la réception d’un invité. Fâtimah
la mère se présentait à lui, s’occupait de lui, le prenait dans son giron,
pansait ses plaies et atténuait ses souffrances ; puis Fâtimah la fille se
présentait à lui, le servant, lui obéissant et lui préparant ce dont il avait
besoin. C’est ainsi que l’on observe son rôle insigne dans la vie du Messager de
Dieu.
Sixièmement : l’épouse
d'Ali
Ali a dit : « Je me rendis (un jour) auprès du Messager de Dieu. Quand il me
vit, il sourit et dit : « Quel bon vent t’amène, ô père d'al-Hassan ?! ». Je lui
rappelai mon intimité, ma précocité à accepter l’islam, mon appui pour lui et ma
lutte (Jihad). Il me dit : « ô Ali ! Tu as dit vrai ! Et tu es encore meilleur
que ce que tu viens d’évoquer ! ». Je lui dis alors : « ô Messager de Dieu !
Marie-moi à Fâtimah ! » Il répondit : « ô
Ali ! D’autres hommes l’ont évoquée
avant toi ; je le lui ai évoqué et j’ai observé le désaccord sur son visage ;
mais attends que je revienne vers toi ».
Il alla voir Fâtimah, laquelle lui prit la tunique, lui retira les sandales, lui
apporta de l’eau, lui fit les ablutions de ses mains, lui lava les pieds puis
s’assit. Il lui dit alors : « ô Fâtimah ! ». Elle lui répondit : «
A ton service
! A ton service ! Que veux-tu, ô Messager de Dieu ? ». Il dit : «
D'Ali bin Abi Tâleb, tu sais très certainement la proximité avec moi, la vertu et la
soumission à Dieu. Aussi ai-je demandé à mon Seigneur de te marier à la
meilleure de Ses créatures et à celle qu’Il aimait le plus ! Or Ali m’a parlé
de toi : qu’en penses-tu ? ». Elle se tut sans détourner la tête et il ne vit
aucun signe de désaccord sur son visage. Il se leva alors et dit : « Dieu est le
plus Grand ! Son silence vaut acquiescement ! »
Puis Gabriel vint à lui et lui dit : « ô Mohammad ! Marie-la à
Ali Ibn Abi
Tâleb, car Dieu la lui a consentie et le lui a consenti ! » Ali dit : «
Le Messager de Dieu me maria (à Fâtimah) puis il vint près de moi, me prit par la
main et dit : « Lève-toi au nom de Dieu et dis : à la grâce de Dieu et Dieu l’a
voulu ainsi et il n’est de pouvoir qu’en Dieu et je m’en remets à Dieu ! » Puis
il m’entraina pour me placer auprès d’elle et dit : « ô mon Dieu ! Ces deux-là
sont Tes deux créatures que j’aime le plus ! Alors aime-les et bénis leur
progéniture et place un de tes protecteurs au-dessus d’eux ! Car je les place,
eux et leur progéniture, sous ta protection contre le Satan maudit ! ». C’est avec
cette simplicité que se déroula la cérémonie de mariage : Ali offrit son
bouclier en douaire, qu’il vendit pour équiper la maison ; il acheta du parfum
et une tunique à hauteur de sept dirhams, un long voile pour quatre dirhams, du
velours noir de Khaybar, un lit cerclé d’osier, deux matelas de jute égyptienne
rembourrés l’un avec de la fibre et l’autre avec de la toison de mouton, quatre
coussins de cuir rouge de Taëf rembourrés de paille odorante, un châle de laine,
un paillasson, une meule manuelle, une casserole en cuivre, une outre en cuir
rouge, un vase en bois pour le lait, une carafe à eau, une bassine, une jarre
verte et des cruches en terre cuite. C’est ainsi que la maison fut équipée et le
douaire perçu.
Fâtimah emménagea dans la maison d'Ali, composée d’une seule pièce qui
appartenait à Oumm Salma, l’épouse du Prophète ; Ali escalada alors une butte
située un peu plus loin et lança l’appel suivant : « Répondez à l’invitation au
festin de mariage de Fâtimah » ; ce que les gens firent en participant à la joie
de la famille du Prophète.
Fâtimah commença sa nouvelle vie dans la maison
d'Ali où elle s’acquittait de
ses obligations domestiques, moulait le grain, confectionnait la pâte, préparait
le pain, alors que Ali l’aidait dans les tâches ménagères. Il balayait parfois
la maison, trayait la chèvre, ramassait du bois, allait puiser de l’eau. Le
Messager de Dieu avait réparti les travaux domestiques entre eux : à Ali revenait ce qui se faisait à l’extérieur de la maison et à Fâtimah ce qui se
faisait à l’intérieur. Elle lui donna des enfants, s’occupa de leur éducation et
de leurs besoins jusqu’à tomber malade suite à la somme des choses à faire, car
elle était seule à les accomplir, par égard pour la pauvreté et la générosité
d'Ali. A la demande de son mari, elle s’adressa au Messager de Dieu : peut-être
l’aiderait-il à embaucher une servante à laquelle elle attribuerait certaines
tâches.
Elle entendit les excuses de son père, qui lui rappela la pauvreté des gens, le
grand nombre d’indigents et de compagnons pauvres, sans domicile et n’ayant pas
le nécessaire pour se nourrir. Quelque temps plus tard, comme la situation de la
Nation s’était améliorée, le Prophète répondit favorablement à la requête en lui
envoyant une servante ; elle répartit alors les tâches domestiques entre la
servante et elle : à chacune un jour sur deux, sans distinction entre elles. A
la fin de sa vie, elle résuma d’une phrase son éthique maritale, qu’elle adressa
à Ali comme une excuse et un adieu : « O cousin ! Tu ne m’as jamais connue
menteuse ni traîtresse ; et je ne t’ai jamais contrarié depuis que je vis avec
toi ! » Elle décéda ensuite rassurée quand elle entendit Ali lui dire
: « A Dieu ne plaise ! Tu connais mieux Dieu, tu es plus bienfaisante, plus pieuse et
plus généreuse, et ta crainte de Dieu est bien plus grande que je puisse te
reprocher de me contrarier ! Et il me coûte de me séparer de toi ». Voici les
textes que j’ai condensés ici et qui me dispensent de plus ample recherche et
clarification sur la vie domestique de Fâtimah.
(Fin de la première partie)
Notes
[1] Nous traduisons ce groupe nominal par l’expression « Fâtimah la
Resplendissante » que nous utiliserons par défaut dans le reste du texte. [NdT]
[2] Bourg libanais situé à une trentaine de kilomètres au Nord-est de la
capitale Beyrouth. [NdT]
[3]
Montagne située dans la Chaîne montagneuse du Liban et culminant à 2628 m. [NdT]
[4] L’auteur fait référence à cette partie des sciences humaines consacrée de
nos jours aux questions de « genre », tel le féminisme. [NdT]
[5] Cette allégorie évoque la demeure prophétique, i.e « Ahl al-Bayt » paix sur
eux. Selon le commentaire coranique de Tha’labi pour le verset 36 de la sourate
La Lumière, on rapporte que le saint Prophète lisait ce verset quand Abou Bakr
(un compagnon du Prophète qui deviendra plus tard le premier calife suite au
décès de ce dernier) se leva et lui demanda : « Est-ce que ce verset s’applique
à la maison de Fâtimah et à celle d'Ali ? » Il répondit : « Oui, c’en est même
parmi les meilleurs exemples ». [NdT]
[6] Les usulites sont les savants de l’herméneutique juridique pratiquée en vue
de l’obtention de la norme légale de l’islam, un exercice appelé ijtihâd en
arabe. [NdT]
[7] قضية حقيقية و قضية خارجية
[8] Cf. sourate Les Romains, verset 21 : "Et parmi Ses signes Il a créé de vous,
pour vous, des épouses."
[9] Cf. sourate Les Femmes verset 10 : "ô hommes ! Craignez votre Seigneur qui
vous a créés d’un seul être, et a créé de celui-ci son épouse, et qui de ces
deux-là a fait répandre sur la terre beaucoup d’hommes et de femmes."
[10] Terme utilisé dans la sourate L’Abondance et désignant un homme dénué de
postérité. [NdT
[11] Cf sourate L’abondance.
[12] بعضهم من بعض
[13] Imposer un travail à l’homme ou à la femme (même par son mari), ou
interdire à l’homme ou à la femme de travailler, les séquestrer, ou bloquer leur
salaire font partie des grands actes illicites.
[14] Cf sourate La famille de ’Imrân, verset 195 : "En vérité, Je ne laisse pas
perdre le bien que quiconque parmi vous a fait, homme ou femme."
[15] Cf sourate Les femmes, verset 32 : "aux hommes la part qu’ils ont acquise,
et aux femmes la part qu’elles ont acquise."
[16] Cf sourate L’éprouvée, verset 13 : "ô Prophète ! Quand les croyantes
viennent te prêter serment d’allégeance, en jurant qu’elles n’associeront rien à
Allah, qu’elles ne voleront pas, qu’elles ne se livreront pas à l’adultère,
qu’elles ne tueront pas leurs propres enfants, qu’elles ne commettront aucune
infamie ni avec leurs mains ni avec leurs pieds et qu’elles ne désobéiront pas
en ce qui est convenable, alors reçois leur serment d’allégeance, et implore
d’Allah le pardon pour elles."
[17] Cf sourate Les femmes, verset 7 : "Aux hommes revient une part de ce qu’ont
laissé les père et mère ainsi que les proches ; et aux femmes une part de ce
qu’ont laissé les père et mère ainsi que les proches, que ce soit peu ou
beaucoup : une part fixée."
[18] Cf sourate La vache, verset 228 : "Les femmes ont des droits équivalents à
leurs obligations."
[19] Alors que certains codes civils dans quelques pays civilisés du monde
actuel interdisent à la femme mariée la gestion de ses biens.
[20] Le droit de regard du père sur le premier mariage est un droit consultatif,
et il ne peut lui imposer un mariage ; et si le père empêchait inconsidérément
sa fille de se marier malgré les avantages présentés et la capacité, ce droit se
verrait aboli.
[21] Cf sourate Les abeilles, verset 97 ; sourate Les coalisés, verset 35.
[22] Cf sourate La vache, verset 22.
[23] Cf sourate Les femmes, verset 35.
[24] « Nulle institution en islam n’est plus aimée de Dieu que le mariage ».
[25] Le mariage n’est pas un devoir pour elle, pas plus que l’acquittement de
ces charges d’après les explications évoquées dans les ouvrages jurisprudentiels.
De plus, on s’efforce de mettre en place un environnement lui étant favorable
afin qu’elle puisse s’acquitter de cette responsabilité, en obligeant le mari à
assurer ses dépenses, pour faciliter cette mission.
[26] Les versets coraniques sont nombreux sur le sujet. Nous en rappelons
quelques uns : sourate Les Coalisés, versets 32-33 ; sourate La Lumière, verset
31.
[27] C’est ce qui ressort des narrations de la famille du Prophète et ce qui se
rapproche de la coutume observée à propos du mariage précoce des jeunes filles ;
on observe que l’âge de Fâtimah à son mariage est de dix ans, selon une narration
; mais selon une seconde narration d’Ibn ’Abbâs, sa naissance remonte à cinq ans
avant la mission du Prophète, auquel cas elle aurait eu vingt ans lors de son
mariage. Quant à l’étonnement suscité par la grossesse et la naissance d’un
enfant à l’âge de Khadija à la fin de sa vie, elle s’explique par la durée
exceptionnelle de fécondité de la femme quraychite et nabatéenne, qui se
prolonge jusqu’à l’âge de soixante ans, un point connu parmi les jurisconsultes.
[28] Sourate La famille de ’Imrân, verset 61 : "A ceux qui te contredisent à son
propos, maintenant que tu en es bien informé, tu n’as qu’à dire : « Venez,
appelons nos fils et les vôtres, nos femmes et les vôtres, nos propres personnes
et les vôtres, puis proférons exécration réciproque en appelant la malédiction
de Dieu sur les menteurs."