Discours de l’Imam Sajjãd à la
mosquée de Damas
Damas a été conquise par l’armée musulmane en l’an 13 de l’hégire (634), après
un siège d’une durée de plus d’un an et demi, sous le commandement de Khalid ibn
Walid. Damas était d’abord la préfecture de la grande Syrie (bilad al-sham)
dirigée par Moawiya. Après la fin du califat de Imam Hassan paix sur lui en 41
de l’hégire, Damas devint la capitale du califat Islamique dirigé par le nouveau
régime ommayade, fondé par Moawiya ibn Abi Sufyan.
Damas était devenue un centre d’activités subversives à l’encontre de la tribu
hashémite et en particulier, contre la famille prophétique. La malédiction de
Ali et de la famille du saint Prophète, Mohammad ibn Abdallah, paix sur lui et
sa pure famille, était devenue une coutume et une obligation religieuse
pratiquée par les Imams des mosquées du haut de leur tribune (minbar) et par les
croyants de cette contrée. L’hostilité que les syriens cultivaient à l’égard de
la famille prophétique trouvait sa
source dans leur ignorance des faits et de l’histoire des premiers temps de
l’Islam: ils ignoraient par exemple, qu’Hamza ibn Abd al-Muttalib était le
seigneur des
martyrs de l’Islam (seyyed al-shuhada) ou que les petits-fils du saint prophète,
Hassan et Hussayn, avaient été recommandés par le saint-prophète lui-même.
L’opposition aux déviations du califat ommeyade avait certes en la personne
d’Abu Dharr al-Ghaffari un partisan de poids. Ce compagnon connu du saint
Prophète
de l’Islam n’hésitait pas à dénoncer en public et en privé, devant le calife ou
en son absence, ses excès et dérives. Cette opposition a été relayée, après la
mort d’Abu
Dharr par Hujr ibn Ady, mais cela se révélait insuffisant en face du puissant
appareil de propagande ommayade.
L’Imam Ali ibn Al-Hussayn paix sur lui a prononcé une homélie historique à
Damas, dans la grande mosquée de la ville semble t-il, en 61 de l’hégire. Le
jour du
discours, un orateur officiel se présenta à la tribune pour offrir une louange
en l’honneur de Moawiya et de Abu Sofyan, et dénigrer Ali ibn Abi Talib paix sur
lui, et
ses partisans. Cet orateur osa prétendre que les musulmans devaient tout à
Moawiya et Yazid, que leur bonheur ici-bas et dans l’au-delà était lié au sort
des
ommayyades. C’est à ce moment que Ali ibn al-Hossayn paix sur lui, se leva et
clama à haute voix, sans la moindre peur:
"Malheur à toi, orateur, tu as acheté la satisfaction de la créature contre la
colère du Créateur, et tu es devenu de ce fait un candidat à l’enfer"
(Bihar
Al-anwar, t.45,
p.137)
Puis le quatrième Imam infaillible se tourna vers le calife pour lui demander:
"m’autorises-tu à monter à mon tour sur ces planches, afin que je dise ce qui
plaît à
Dieu, tout en étant utile à l’audience et comptée comme une bonne œuvre?".
L’assemblée insista pour que le calife l’autorise à parler si bien que l’Imam
monta sur la
tribune pour discourir.Ali ibn Al-Hussayn paix sur lui commença par se
présenter:
"C’est moi le fils de la Mecque et de Mina, c’est moi le fils de Zamzam et de
Safa, c’est moi…" (Tuhaf Al-Uqul, p.232)
puis il dit: "Ô les gens, Dieu nous a donné six choses et a apposé notre
supériorité (nous la famille prophètique) par sept choses: il nous a donné: la
science, la
mansuétude, magnanimité, l’éloquence, le courage et l’amour dans le cœur des
croyants" (Bihar Al-Anwar,
t.45, p.39)
"et Dieu nous a donné la supériorité pour sept raisons: le prophète choisi
Mohammad est de nous, le véridique (Ali ibn Abi Talib) est de nous, l’oiseau
céleste (Ja’far
ibn Abi Talib) est de nous, le lion de Dieu et de son prophète (Hamza ibn Abd
al-Muttalib) est de nous, les deux descendants (Hassan et Hussayn) sont de nous,
enfin le Messie (le douzième Imam Mahdi) est de nous "
L’influence du discours de l’Imam sur l’assemblée fut si forte que les ommayades
durent l’interrompre en faisant donner l’appel à la prière (adhan). L’Imam par
respect
pour le Nom du Très Haut, se tut. Quand le muezzin en arriva à dire "je témoigne
que Mohammad est le prophète de Dieu", l’Imam s’adressa au muezzin, en
retirant son turban: "par le droit du prophète que tu as invoqué, tais-toi!".
Puis s’adressant à Yazid ibn Moawiya, l’Imam dit: "est-ce que ce prophète noble
et
glorieux est ton ancêtre ou le mien? Si tu dis que c’est ton ancêtre, tout le
monde sait que tu auras menti, et si tu dis que c’est le mien, alors pourquoi
as-tu assassiné
mon père et volé ses biens? Et fait prisonnières ses femmes?" il saisit alors
son col et le déchira, puis continua son discours jusqu’à ce que l’assemblée se
sépare dans le
désarroi le plus complet.
Source: Mohammad Ibrahim Ayati, Etude sur l’histoire de Ashoura, (ensemble de discours donnés en 1964), Editions Imam Asr, 2001