En vertu d’un contrat de mariage, les deux époux appartiennent l’un à l’autre,
et chacun a le droit de jouir de l’autre, étant donné que les avantages du
mariage sont devenus la propriété de chacun d’eux en vertu dudit contrat. De là,
la première épouse devient la détentrice n° 1 de ce droit, et toute transaction
conclue entre le mari et une seconde épouse sera considérée en réalité comme un
excès de pouvoir, car la marchandise -en l’occurrence les avantages du mariage-
avait été vendue antérieurement à la première épouse, et devenue une partie de
ses propriétés. Donc la première épouse doit être consultée, et son consentement
obtenu préalablement.
Ainsi, si on veut autoriser la polygamie, cela doit dépendre de l’approbation de la première épouse, à laquelle appartient de décider si son mari peut ou non se remarier avec une seconde femme. Par conséquent le mariage avec une deuxième ou une troisième femme ressemble à la vente par une personne de sa marchandise à quelqu’un, puis de sa revente une deuxième, une troisième et une quatrième fois à d’autres. La validité de cette transaction dépend donc du consentement du premier propriétaire, ensuite du second, puis du troisième dans l’ordre. Et si le vendeur (par excès de pouvoir) remet la marchandise au second, ensuite au troisième, puis au quatrième acheteurs, son action mérite absolument une sanction.
Cette objection est fondée sur l’idée que le contrat de mariage serait un simple
échange d’un intérêt et rien de plus, et que chacun des deux conjoints serait le
propriétaire de l’intérêt conjugal de l’autre.
Nous ne voudrions pas maintenant aborder ce point qui est en fin de compte
réfutable. Mais supposons que le mariage soit légalement ainsi. Cette objection
ne serait valable que lorsque la polygamie de l’homme aurait pour motif la
diversité et la jouissance. Evidemment, lorsque le mariage est, sur le plan
juridique, un échange d’intérêts, et que l’épouse est capable d’assurer à
l’homme ses intérêts, sur tous les plans, elle ne permettra pas à l’homme de se
remarier. Mais si le second mariage n’a pas pour but la diversité et le plaisir
sexuel, et que le mari a toutes les justifications nécessaires que nous avons
soulignées précédemment, cette objection n’aura plus de raison d’être. Par
exemple, si la femme est stérile ou ménopausée et que le mari ait besoin
d’enfants, ou si la femme souffre d’une maladie qui lui interdirait d’avoir des
rapports sexuels, dans tous ces cas elle n’a pas le droit de s’opposer au second
mariage.
Ceci, si la raison de son second mariage est d’ordre purement personnel. Mais
lorsqu’il s’agit d’un problème qui touche la société dans son ensemble et qui
nécessite l’autorisation de la polygamie en raison du nombre excédentaire des
femmes par rapport aux hommes, ou lorsque la société a besoin d’augmenter le
nombre de sa population, dans ce cas cette objection prend une autre forme, car
l’application de la polygamie devient une "obligation jusqu’à suffisance",
visant à prévenir la société contre la turpitude et la débauche, ou à accroître
la population du pays.
Bien entendu, lorsque le problème devient une affaire d’obligation sociale, le
consentement préalable de l’épouse et son autorisation ne se justifient plus.
Ainsi, si nous supposons que la société souffre réellement d’un excédent du
nombre des femmes ou qu’elle a un besoin impérieux d’accroître sa population,
une "obligation jusqu’à suffisance" s’impose à tous les hommes et femmes mariés,
et les femmes ont alors le devoir d’agir conformément au principe de sacrifice
et d’abnégation en vue de sauver la société, tout comme le devoir de défendre la
patrie, devoir qui échoit à toutes les familles et qui commande à celles-ci de
se séparer de leurs fils au bénéfice de la société, et de les envoyer sur les
champs de bataille. Dans de telles situations d’ordre social général, on n’a pas
besoin de demander leur consentement aux personnes concernées.
Ceux qui prétendent que le droit et la justice exigent l’obtention du
consentement et de l’autorisation de la première épouse lors d’un second
mariage, ne regardent que le cas du mariage d’un homme qui veut se marier pour
le plaisir et la diversité, et oublient les cas du mariage par besoin impérieux,
personnels ou sociaux. Lorsqu’il n’y a pas d’impératifs personnels ni sociaux
pour la polygamie, celle-ci n’est pas admise, même si la première épouse
l’autorise.
*Source: MUTAHARI. Mortadhã, Les Droits de la femme en Islam, Traduit par al-Bostani, éd. Ansariyan, Téhéran, 2002, PP.302-304.