Recommandations
D’une missive à Ma`kal ibn Kaiss lui donnant des conseils lorsqu’il l’envoya en Syrie à la tête de trois mille hommes
Crains Allah que tu finiras par rencontrer inévitablement car tout aboutit finalement à Lui.
Ne combats que celui qui commence par te combattre, ne te déplace que dans la fraîcheur du matin et du soir, ne bouge pas avec tes hommes au moment des fortes chaleurs, ne te fatigue pas dans les déplacements. Ne voyage pas au début de la nuit, car Allah le fait pour le repos et la détente non pour le mouvement. Profites – en pour reposer ton corps et te remettre.
Lorsque tu te lèves à l’aube ou à l’aurore, mets-toi en route avec la bénédiction de Allah. Si tu rencontres l’ennemi, mets-toi au milieu de tes compagnons et ne t’approche pas de tes adversaires comme qui voudrait commencer le combat. Ne t’en éloigne pas, non plus, ce qui ferait croire que tu as peur, jusqu’à ce que tu reçoives mes ordres.
Que la haine que vous leur portez ne vous pousse pas à les combattre, tant que vous ne les aurez pas appelés et mis en demeure.
D’une recommandation qu’il a faite à une armée qu’il avait envoyée au combat
Si vous avez à camper en face de l’ennemi, que votre camp soit sur les hauteurs, ou au bas des montagnes ou derrière les rivières afin qu’elles vous soient des remparts protecteurs.
Ne combattez que sur un front ou deux. Placez des observateurs sur les sommets des montagnes et aux fonds des vallées, afin de n’être pas surpris par l’ennemi d’un côté dangereux comme d’un côté sûr.
Sachez que l’avant – garde d’une armée est les éclaireurs et les yeux des éclaireurs, ce sont les patrouilles. Méfiez-vous de la dispersion. Si vous devez camper, campez ensemble et si vous vous mettez en route, allez – y ensemble.
Lorsque la nuit tombe, faites – vous entourer par les lances et ne dormez que d’un sommeil léger et intermittent.
A ses troupes avant la bataille de Siffine
Ne les combattez pas tant qu’ils n’ont pas commencé, car Allah merci, c’est vous qui avez la preuve de votre bon droit et le fait de les laisser commencer est une autre preuve dont vous disposerez contre eux.
Et si leur débâcle, par ordre de Allah se produit, ne frappez pas au dos, ne blessez pas un combattant désarmé, n’achevez pas un blessé, n’offensez pas les femmes même si elles injurient votre honneur et qu’elles insultent vos chefs, car elles sont fragiles de constitution, d’âme et d’esprit.
Nous les avons protégées quand elles étaient polythéistes.
Au temps du paganisme, si les hommes les frappaient avec des pierres ou des gourdins, ils devenaient la risée des gens, eux et leurs descendants.
Recommandation qu’il adressa à celui qu’il chargeait de percevoir l’aumône légale
Agis en craignant Allah seul, sans rien lui associer.
Ne sois pas cause de crainte pour un musulman, ne le rencontre pas contre son gré, ne prends de sa fortune rien de plus que les droits de Allah.
Quand tu descendras dans une localité, arrête-toi au point d’eau, sans pénétrer dans les habitations, puis approche-toi des gens avec modestie et respect, jusqu’à ce que tu sois parmi eux et tu leur adresseras tes salutations sans en être avare. Tu diras:
«Serviteurs de Allah, je suis envoyé vers vous par l’Agent et le Représentant de Allah. S’il y a dans votre fortune dés droits de Allah, vous avez à les remettre à son Représentant». Si quelqu’un te répond négativement, n’insiste pas auprès de lui. Par contre, si quelqu’un te dit oui, décide avec lui sans lui faire peur, ni le menacer, ni le faire regretter, ni exiger de lui plus qu’il ne peut. Prends de lui ce qu’il te donnera comme or et argent.;
S’il possède du bétail et des chameaux, ne les mets pas en compte sans son autorisation. Le gros lui appartient. Si tu t’en approches, ne pénètre pas jusqu’au milieu des bêtes d’une façon brusque et brutale. Il ne faut ni effaroucher, ni effrayer les bêtes, afin que le propriétaire ne soit pas fâché.
Partage le troupeau en deux, puis fais-lui choisir sa part, ne t’oppose pas à ce qu’il a choisi, puis refais la même opération s’il n’est pas d’accord et fais-lui choisir et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il ne te reste entre les mains que la part de Allah. Prends alors les droits que Allah a sur sa fortune. S’il n’est pas satisfait, rassemble les bêtes et refais l’opération.
Ne prends pas de bêtes âgées ou décrépites, ou ayant un membre brisé ou qui sont décharnées ou celles qui ont un défaut. N’aie confiance, pour conduire les bêtes, qu’en un musulman sûr, capable de prendre soin du bien des musulmans jusqu’à le remettre à leur chef qui le partagera entre eux. N’en charge qu’un homme sincère, doux, honnête et consciencieux, non un homme qui les frapperait ou qui leur ferait faire de trop longs trajets ou qui les fatiguerait plus qu’il n’en faut.
Puis remets-nous ce que tu auras rassemblé afin que nous lui donnions la destinée que Allah lui a prescrite. Quand tu remettras les bêtes à ton homme de confiance, insiste pour qu’il ne sépare pas une chamelle de son chamelet, qu’il ne la traie pas afin de ne pas priver son petit, qu’il ne la charge pas trop, qu’il équilibre les charges entre les bêtes de somme et qu’il entretienne bien les animaux fatigués ou blessés dans leurs pattes.
Qu’il les fasse boire chaque fois qu’il rencontre de l’eau; qu’il ne les éloigne pas des parcours herbus pour prendre un raccourci, qu’il les repose à chaque moment, qu’il ralentisse le pas en passant près de l’eau et des herbes, afin qu’elles nous parviennent par la grâce de Allah, en excellent état et en bonne santé, non fatiguées et éreintées, afin que nous les partagions selon le Livre de Allah et la tradition de son Envoyé.
Ceci sera pour toi la plus belle des récompenses et te rapprochera de la voie droite, que Allah le veuille.
Koumeil ibn Ziad An-Nakha’i rapporte:
«L’Imam me prit par la main, me conduisit au cimetière puis en plein désert, il aspira longuement et dit:
«O Koumeïl Ibn Ziad! Ces cœurs sont des réceptacles et les meilleurs d’entre eux sont les plus réceptifs, retiens ce que je vais te dire:
Les hommes sont de trois genres, un savant inspiré de Allah, un autre qui apprend pour pouvoir être sauvé et une masse qui ignore et suit quiconque lui souffle dans une trompette; elle plie au gré des vents, elle ne s’éclaire pas à la lumière de la science Elle ne se réfugie pas auprès de quelque chose de sûr.
O Koumeïl! La science est préférable à la richesse. Le savoir augmente quand on s’en sert alors que l’argent diminue quand on l’utilise. Les bienfaits de la richesse s’évanouissent dès qu’on perd sa fortune.
O Koumeil! La connaissance est une religion que l’on pratique. Par le savoir, on obtient l’obéissance dans la vie et on laisse un bon souvenir après la mort. La science dirige alors que l’argent est dirigé.
O Koumeïl! Les thésaurisateurs sont des cadavres vivants alors que les savants se maintiennent aussi longtemps que durera le monde. Leurs corps peuvent disparaître mais leurs exemples restent dans les cœurs.
Il y a là une science immense (et il désigna du doigt sa poitrine). Ah, si j’avais trouvé celui qui la porterait! Oui, je n’ai trouvé que ceux qui veulent la connaître sans être dignes de la porter. Ils utilisent l’outil de la religion pour les affaires de ce monde. Ou d’autres qui exploitent les bienfaits accordés par le Seigneur à ses serviteurs et les preuves qu’Il a données aux fidèles, ou qui suivent ceux qui détiennent la vérité, mais sans aucune perspicacité, le doute s’emparant de leurs cœurs à la première ambiguïté.
Fi de celui-ci, et de celui-là! Il y en a même d’autres assoiffés de plaisirs, se laissant aller à la jouissance ou bien ne désirant qu’amasser et conserver les richesses; ces derniers ne sont point les gardiens de la religion. Tout au plus l’on pourrait les comparer aux broutards. Ainsi meurt une science par la mort de celui qui la porte.
Par Allah Oui! La terre ne sera pas privée d’hommes défendant la cause de Allah publiquement et solennellement, ou bien fébrilement et secrètement afin que ne disparaissent pas les preuves et manifestations de Allah! Combien sont-ils ceux-là et où sont-ils ceux-ci? Ils sont, certes, d’un nombre restreint mais grande sera leur valeur auprès de Allah. Par eux, il manifeste ses preuves et arguments jusqu’à ce qu’ils les confient à leurs égaux et les sèment dans le cœur de leurs semblables.
La science les a poussés à plus de perspicacité, ils ont acquis la certitude, ont trouvé facile la voie qui paraissait dure aux jouisseurs et se sont agréablement accoutumés à ce que les ignorants jugeaient déplaisant. Ils ont traversé cette vie, leurs cœurs attachés aux sphères divines. Ils sont les représentants de Allah sur la terre et les propagateurs de sa religion. Ah! Comme je brûle de les voir! [Puis l'Imam dit:] «Et maintenant, tu peux disposer, Kumeïl.»
De l’Imam à son fils aîné Al-Hassan (écrit à Hadirin, village situé dans les parages de Siffine où l’Imam venait de se retirer)
Du père appelé à disparaître, dont la vie est limitée dans le temps et qui est même au crépuscule de la vie, qui se résigne au destin, vivant déjà parmi les morts, et qui demain devra quitter ce monde.
A mon fils qui espère l’irréalisable, et qui est engagé dans la voie de ceux qui ont disparu ou trouvé la mort à la suite d’une maladie, ceux qui furent otages du temps, cibles du malheur, esclaves du monde, victimes des illusions, adversaires et prisonniers de la mort, partenaires des soucis, compagnons des chagrins, sujets aux peines, victimes des désirs et successeurs des morts.
Ce que j’ai dégagé comme conclusion de ce monde qui me tourne le dos, des temps qui me sont hostiles, de la fin qui s’approche de moi, tout cela me permet de ne pas parler d’autrui et de ne plus me soucier que de ce qui m’attend.
Mes soucis sont tels qu’ils m’ont détourné des soucis des autres, ont accaparé ma pensée, éloigné de moi les désirs. Ils m’ont éclairé sur moi-même, m’ont conduit à un sérieux qui n’admet pas de légèreté, ainsi qu’à une sincérité exempte de mensonge.
Cependant, je me retrouve partiellement en toi, ou bien mieux je me vois tout en toi au point que si quelque chose te touche je me sens personnellement touché, et que si la mort t’atteint je la sentirai m’atteindre. Je me préoccupe de ce qui peut t’arriver comme une affaire personnelle. Je t’adresse cette missive pour te servir de guide que je sois vivant ou mort.
Je te recommande de craindre humblement Allah, de te conformer à ses ordres, de l’invoquer constamment, de t’attacher pleinement à lui. Quel attachement serait plus bénéfique pour toi que celui que tu établirais avec Allah?
Vivifie ton âme par la morale, étouffe tes désirs par la tempérance, fortifie ta foi par la certitude, embellis ton être par la sagesse, humilie-le par le souvenir de la mort, rends-le certain de sa mort, éclaire-le sur les malheurs de ce monde, mets-le en garde contre le retournement du sort et les vicissitudes du temps.
Expose-lui les récits du passé et rappelle-lui ce qui est arrivé aux générations passées, circule dans leurs demeures et vestiges; observe ce que tes peuples d’antan ont fait, les raisons de leur disparition, ce qu’ils sont devenus et où ils reposent, tu remarqueras qu’ils se sont séparés de leurs amis et que dans peu de temps tu seras parmi eux.
Sois toujours noble de sentiments, ne troque pas l’autre monde contre celui-ci, évite de parler de ce que tu ignores, d’opiner sur ce dont tu n’es pas chargé; évite de prendre une décision si tu en crains les conséquences, car il vaut mieux s’abstenir dans les cas douteux que de s’engager aveuglément.
Ordonne le bien et tu seras parmi les hommes de bien; combats l’injustice par la parole et par les actes, évite par ton action les injustes et mène au service de Allah un combat réel. Qu’aucune critique ne t’arrête, lorsqu’il s’agit des ordres de Allah; affronte les difficultés, s’il le faut, pour servir la vérité; approfondis tes connaissances en matière de religion; accoutume ton âme à l’endurance devant l’adversité, car l’une des plus belles qualités est la perspicacité au service de la vérité.
Remets tout ce qui est de tes affaires entre les mains de Allah, tu les remettras ainsi à un protecteur puissant et inaccessible.
Ne mets tes espoirs qu’en Allah car il est le seul à pouvoir donner et retirer; réfléchis profondément aux diverses décisions avant d’agir; comprends bien mes recommandations et ne les néglige pas; les meilleures paroles sont celles qui servent. Sache qu’il n’y a rien à attendre des connaissances inutiles et qu’on ne tire aucun bien d’un savoir qui ne vaut pas la peine d’être acquis.
O Cher fils! Lorsque je me suis aperçu que j’avançais en âge, que mes forces déclinaient petit à petit, j’ai entrepris de t’envoyer ces conseils, de te donner le fond de mes pensées avant que la mort ne me surprenne, que mon esprit ne s’affaiblisse comme s’affaiblit mon corps; j’ai voulu par là m’empresser de te prémunir contre l’empire des passions et les séductions du monde afin de te faire profiter de mon expérience, autrement tu seras comme un coursier sauvage. L’esprit du jeune homme est comme une terre vierge qui accepte toute semence.
Je me hâte de t’éclairer avant que ton cœur ne se ferme, que ton esprit ne soit pris, pour que tu accueilles l’expérience des sages et que tu en profites. Tu auras ainsi acquis provision de savoir et tu te seras épargné les expériences vécues. Tu profiteras des leçons que nous avons tirées de nos épreuves et ce qui était pour nous plus ou moins obscur deviendra clair pour toi.
Oh mon fils, bien que je n’aie pas atteint l’âge de ceux qui m’ont précédé, j’ai néanmoins étudié leurs actes, médité leur histoire et suivi leurs traces jusqu’à devenir comme l’un d’eux, je dirais plus: j’ai l’impression d’avoir vécu la vie de chacun d’eux du premier au dernier.
Je sais distinguer ainsi ce qui est pur de ce qui est impur, ce qui est bénéfique de ce qui est maléfique. Je te résume de toute chose ce qui en est bon et beau et j’éloigne de toi ce qui est inconnu. J’ai tenu compte de ce qui me concerne en tant que père compatissant et j’ai décidé pour ton éducation, alors que tu fais tes premiers pas dans la vie et que tu affrontes le destin, afin que tu sois un être aux intentions saines, d’une âme pure. Je commence ainsi par t’enseigner et t’interpréter le Livre de Allah, Gloire à Lui !. t’apprendre ce qui est conforme à la loi divine, ce qui est licite et ce qui ne l’est pas; je n’ai pas voulu t’apprendre autre chose.
Je crains pour toi que tu ne sois induit en erreur par ce qui a été cause de désaccord entre certains, au sujet duquel chacun suivait ses propres sentiments ou opinions, je crains qu’il ne t’arrive la même chose.
Certes, je n’ai pas aimé t’avertir, mais le fait de te mettre en garde et de te prévenir m’est plus agréable que de te laisser seul face à des problèmes qui, je le crains, peuvent te conduire à ta perte. Espérant que Allah te guidera vers ce qui est ton bien et te conduira vers ton but, j’ai décidé de t’envoyer cette missive.
Sache, oh fils, qu’il me serait agréable que tu retiennes mes conseils avant tout, que tu craignes Allah notamment, que tu te contentes d’accomplir ses obligations, que tu prennes exemple sur le comportement de tes parents qui t’ont précédé, des purs de ta famille; ils ont toujours réfléchi comme tu réfléchis, pensé comme tu penses, ce qui les a amenés à agir selon ce qu’ils pensent être bon, à ne pas se charger de ce qui ne leur a pas été confié. Si tu n’acceptes pas d’agir sans avoir acquis le même degré de connaissance, que cela se fasse à bon escient, non en retenant ce qui est équivoque et qui alimente la discorde.
Commence avant tout par demander l’aide de Allah et désirer son accord, pour éviter ce qui peut t’amener aux sujets confus, ou à l’erreur.
Lorsque tu sentiras que ton cœur est devenu pur et qu’il s’humilie devant Allah, que tes pensées sont devenues claires et que ton unique préoccupation est la foi, alors médite ce que je t’avance, et si cela ne te fait pas plaisir ou est en désaccord avec ton opinion et ton désir, c’est que tu te débats dans l’erreur et tu t’enlises dans l’obscurité.
On ne recherche point la religion quand on embrouille et amalgame; éviter cela conviendrait mieux.
Médite bien, mon fils, mes conseils. Sache que le Maître de la mort est aussi le Maître de la vie, que le Créateur est également celui qui fait mourir, que celui qui anéantit est celui qui ressuscite, que celui qui nous éprouve est celui qui pardonne, que ce monde ne peut être que comme l’a conçu Allah, avec les bienfaits, les épreuves et la récompense en l’au-delà, avec ce que le Seigneur veut et ce que tu ignores.
Si tu n’arrives pas à comprendre une affaire, mets-la au compte de ton ignorance, car tu as été créé ignorant puis tu as appris. Combien de choses tu ignores, qui te laissent déconcerté, que ton esprit n’arrive pas à saisir mais que tu comprendras plus tard! Attache-toi à Celui qui t’a créé, qui t’a donné les biens et qui t’a perfectionné; que toute ton adoration soit portée vers lui ainsi que tes espoirs et tes craintes.
Sache, mon fils, que personne ne pouvait savoir sur Allah comme le savait le Prophète. Prends-le comme guide, comme conseiller pour arriver au salut. Je ne serais pas avare de conseils, car tu ne peux être aussi clairvoyant pour ton bien, même si tu fais des efforts, comme je le suis pour toi.
Sache, mon fils, que s’il y avait un associé à Allah, cet associé nous aurait envoyé ses prophètes; on aurait vu les preuves de son royaume et de sa puissance et on aurait connu ses actes et ses attributs, mais Allah est Unique comme il s’est décrit Lui-même, personne ne le contrecarre dans son Empire. Il n’a point de fin et il continue au delà du Temps et de l’Espace.
Il est le premier sans qu’il y ait eu de commencement, le dernier sans qu’il y ait eu de fin. Sa divinité est trop grande pour être cernée par les sentiments ou la vue et être ainsi prouvée.
Si tu es convaincu de cela, agis comme il sied à un homme de ta classe d’agir malgré tes moyens limités, ton peu de pouvoir, le poids de ton impuissance et l’immense besoin de Allah que tu as dans la recherche de son obéissance, la crainte de son châtiment, la peur de son courroux. Il ne t’ordonne que ce qui est bon et ne t’interdit que ce qui est mauvais.
Mon fils, je t’ai informé sur ce monde et son état, sa disparition et sa transformation. Je t’ai renseigné sur l’autre monde et ce qui est promis à ceux qui y seront. Sur les deux, je t’ai donné des exemples afin que tu les médites et que tu en tires d’autres exemples.
Ceux qui veulent connaître ce monde sont comme des voyageurs qui seraient arrivés à un lieu stérile et désertique, puis se seraient dirigés vers un autre lieu verdoyant et herbu. Ils ont supporté les peines de la route, la séparation d’avec l’ami, la dureté du voyage, la grossièreté des aliments, afin de parvenir à la tranquillité chez eux, en leur demeure. Ils n’ont plus alors à subir des souffrances, et les efforts fournis leur paraissent dérisoires. Rien n’est aussi agréable pour eux, que d’être chez eux et d’être proches des leurs.
Ceux qui sont les dupes de ce monde, ressemblent à des gens qui habitaient une région prospère et qui se retrouvent dans une autre aride, rien n’est aussi détestable pour eux, ni aussi pénible que la séparation d’avec le pays où ils étaient, jusqu’au jour où ils y seront conduits.
Oh mon fils, tiens la balance égale pour ce qui est entre toi et autrui, espère pour lui ce que tu espères pour toi, déteste pour lui ce que tu détestes pour toi; ne fais pas le mal que tu ne voudrais pas que l’on te fasse et sois charitable envers autrui comme tu voudrais qu’on le soit envers toi.
Déteste pour ta personne ce que tu détestes chez les autres. Accepte des gens ce que tu voudrais qu’ils acceptent de toi, ne parle pas de ce que tu ne sais pas ou que tu ne sais que partiellement et ne dis pas ce que tu n’aimerais pas que l’on te dise.
Apprends que la vanité fausse le jugement et égare les esprits. Que ton activité soit pour te rapprocher de Allah, ne thésaurise pas l’argent pour tes héritiers et si tu es bien dirigé vers ton but, sois le plus possible humble envers ton Créateur.
Sache que tu as devant toi une longue route, des peines terribles, que tu ne peux te passer de regarder les choses sous leur vrai visage, et d’accumuler le plus de provisions de voyage possibles tout en portant la plus légère charge. Ne porte pas sur ton dos plus que tu ne peux supporter, ce poids serait pour toi un danger.
Si tu trouves des gens dans le besoin, qui peuvent porter pour toi ton fardeau pour l’autre monde et te le remettre alors que tu en auras bien besoin, fais-le leur porter, donne-leur le plus possible tant que tu es en mesure de le faire, il se peut qu’un jour tu ne 1es trouves pas. Saisis l’occasion de donner à qui te le demande tant que tu es riche, tu retrouveras ceci à un moment difficile.
Apprends que tu as devant toi une pente abrupte, le plus léger y est plus à l’aise que le plus chargé. Celui qui y traîne est dans une plus mauvaise situation que celui qui est rapide et elle te conduira sans aucun doute ou bien vers le paradis ou bien vers l’enfer. Fais donc des provisions avant le grand voyage et aplanis le chemin avant ta fin. Il n’y a plus rien à faire après la mort et personne ne peut revenir sur terre.
Apprends que celui qui dispose des biens de la terre et des cieux t’a permis de le solliciter. Il s’est engagé à te répondre. Il t’a ordonné de lui demander afin qu’il t’accorde, de souhaiter sa bonté afin qu’il t’en couvre. Il n’a rien mis entre toi et Lui qui peut te cacher à Lui, et ne t’oblige pas à avoir recours à quelqu’un qui intercéderait pour toi. Il ne t’empêche pas, après la faute, de te repentir.
Allah ne se hâte pas de te punir et ne te fait pas de reproches si tu reviens à Lui, ne t’humilie pas alors que tu le mérites. Il n’est pas non plus trop exigeant pour refuser ton repentir. Il ne discute pas ta faute et ne te retire pas sa miséricorde, au contraire, lors de ton retour. II transforme ta faute en bonne action. Il comptera ta faute une unité et ta bonne action dix. Il t’ouvre la porte du repentir et celle du regret.
Que tu l’appelles à haute voix, il t’entend. Il te répond si te confies à lui, lui révèles tes besoins, lui décris ton état, lui exposes tes griefs, implores son secours et le pries de t’ouvrir les trésors de son immense bonté, que nul autre que Lui ne peut offrir, soit pour allonger la vie, soit pour avoir un corps sain, soit pour avoir une aisance matérielle.
Allah mit les clefs de ses trésors entre tes mains pour te permettre d’en user dans la mesure de tes besoins. A tout moment tu peux 1es utiliser par la prière et ainsi ouvrir les portes de sa grâce, faire pleuvoir sa bonté; ne désespère pas quand la réponse se fait attendre, le don est selon le degré de la foi. Il se peut que la réponse tarde à te parvenir, ceci afin que la demande devienne plus importante et plus vaste. Il se peut aussi que tu ne reçoives pas ce que tu as demandé, mais tu auras reçu bien mieux, soit en ce monde, soit dans l’autre. Il se peut aussi que ton désir ne soit pas exaucé car cela serait plus utile pour toi.
Il se peut que ce que tu demandes soit néfaste pour ta religion s’il t’était accordé. Ne demande donc que ce qui peut faire garder la bonté de Allah et t’éviter ses désagréments.
Sache que tu es créé pour l’autre monde, non pour celui-ci, pour la disparition non pour l’éternité. Tu es un passager qui n’est pas à demeure mais en voyage pour l’autre monde. Tu es la proie de la mort devant laquelle toute fuite est inutile. Elle finit toujours par se saisir du fugitif. Fais en sorte que tu ne sois pas surpris par la mort alors que tu es en état de péché dont tu te promettais de te repentir. Elle se mettra en travers entre toi et la pénitence et tu t’attireras alors le châtiment.
Les dernières recommandations de l’Imam à ses fils Hassan et Hussein après l’attentat de ibn Maljam (l’Imam devait en mourir)
Al Hussein (625-680), deuxième fils d’Ali et de Fatima, petit-fils du Prophète Mohammad. Il refusa comme son père et son frère aîné Al Hassan de reconnaître la légitimité des califes omeyyades, et fut tué en combattant l’armée de Yazid fils de Moawia, à la bataille de Kerbala en l’an 61 de l’hégire. Ses compagnons et partisans ne dépassèrent pas, alors, une centaine. Ils furent tous abattus.
Soyez pieux, dédaignez le monde en dépit de ses séductions, n’en regrettez rien qui vous échappe, proclamez la vérité, travaillez pour l’éternité, soyez l’ennemi du tyran et l’appui de l’opprimé.
Je vous recommande ainsi qu’à tous mes descendants, parents et lecteurs de cette lettre, d’aimer Allah, de vous entendre, de resserrer vos liens car j’ai bien entendu votre grand-père, le Prophète, dire: «Réconcilier les esprits est préférable à toute prière et à tout jeûne».
Je vous recommande particulièrement les orphelins; pourvoyez continuellement à leur nourriture, ne les négligez point.
Soyez dévoués à vos voisins. Le Prophète nous les a tellement recommandés que nous avons cru qu’il allait leur allouer une part de notre héritage.
Je vous recommande la lecture du Coran, soyez toujours les premiers à l’appliquer.
Aimez la prière qui est le pilier de votre religion.
Et la maison de Allah! Fréquentez – ta, ne l’abandonnez point tant que vous serez en vie. Son abandon portera atteinte à votre dignité.
Luttez avec vos biens, vos âmes et vos paroles, au service de Allah.
Veillez toujours à vous entendre et à vous entraider. Gare à la dissension et l’inimitié; ne manquez point de recommander la pratique du bien et le rejet du mal sous peine de souffrir la domination des méchants et de voir vos invocations non exaucées. Puis il dit:
O descendants d’Abdul Muttalib! Ne versez pas le sang des musulmans en disant: «Le Prince des croyants a été assassiné». Vous ne mettrez à mort que mon assassin.
Si je meurs de son épée rendez-lui coup pour coup sans plus. Ne le mutilez point. Notre Prophète prohibait la «mutilation même à l’encontre du chien enragé».